Docteur Chance par Teklow13
Il y a dans ce docteur Chance, à peu près tout ce qui constitue le cinéma d'Ossang : l'esprit punk, l'aspect bande dessinée, l'attirance vers le cinéma muet, et la fabrication d'un univers visuel et auditif unique calqué sur le réel. Cette attirance vers le muet est là constamment, de la composition des cadres, leur forme, leur ouverture, leur fermeture, aux dialogues. Au début du film Ossang filme plusieurs fois l'affiche de l'Aurore. Et cette référence marque dans un sens l'évolution de son travail de cinéaste. Comme dans le film de Murnau, il y à entre ses précédents films et celui-ci un basculement. On passe de l'obscurité, du souterrain, du noir et blanc, à une idée de frénésie. Avec ce film il décolle, accepte de se laisser guider, parfois à l'aveugle, par le plan plutôt que de tenter de le maitriser à tout prix. C'est coloré, éclatant, rempli de fulgurances, de fureur visuelle et sonore. Quelque chose manquait dans ses deux précédents films, la femme. Et pourtant, déjà, la jeune coréenne du trésor des îles chiennes était la pièce centrale du film, celle qui attirait les regards et les convoitises, pourtant Ossang ne la filmait jamais vraiment. Ici, le film, sa folie, son énergie, est mené par la présence d'Elvire, elle envoute le plan de sa présence vénéneuse. Prostituée, femme fatale, elle convoque autant l'essence du film noir que le glamour lynchéen. Elle est le moteur, celui qui fait avancer les hommes autant que celui de la voiture rouge qui déchire les paysages chiliens. La traversée ne peut se faire qu'avec elle. Le décollage également.