Ou comment j'ai appris à ne pas forcément adorer tous les films de Kubrick

Voila typiquement le film que je voudrais adorer, sans y arriver. Réalisé par un de mes cinéastes préférés, le génie derrière Orange Mécanique, Spartacus, ou Eyes Wide Shut. Une satire, un registre que j'affectionne particulièrement, sur une des périodes les plus absurdes de l'histoire : la guerre froide. Enfin, un film que plusieurs personnes que je tiens en haute estime m'ont conseillés, ce qui en général est de très bon augure. Et pourtant je n'y arrive pas, malgré plusieurs tentatives. Selon moi il manque la flamme qui fait basculer un film intéressant du côté du chef d'œuvre.


Le film a de bons arguments. Nous sommes en 1964, et déjà on s'interroge sur le rôle de la machine. Les ordinateurs sont omniprésents et déjà toute puissante. Un thème qui préfigure la future œuvre majeure de Kubrick : L'Odyssée de l'Espace. C'est la programmation des ordinateurs, ou au contraire leur disfonctionnement qui risque de causer un holocauste nucléaire. Le propos est très inquiétant, mais distillé avec un humour corrosif. Politiques et ingénieurs gesticulent dans tous les sens pour enrayer la machine, mais celle-ci est bien huilée, et conçue pour être le plus autonome possible.


La modernité du message, et de cet univers où la machine a pris le contrôle, contraste avec l'arriérisme du docteur Folamour, nostalgique du régime nazi qui voit dans la catastrophe qui s'annonce l'occasion de débarrasser la planète de tous les individus inférieurs. Il préconise d'envoyer les "meilleurs éléments" se réfugier sous terre pour survivre à l'holocauste, puis rebâtir l'humanité. Un savant fou à l'accent allemand comique superbement interprété par Peter Sellers, qui est le principal atout de ce film.


Pas mal de bonnes choses, mais pas assez pour faire un très bon film. Je n'ai pas cru à la tension que Kubrick tente d'installer entre les personnages, et qui va croissante au fur et à mesure que catastrophe se rapproche. Les plans montrant le fatal B52 survoler le sol russe sont trop nombreux et répétitif, en plus d'être assez moche. Au final ils créent plus d'ennui que de suspense, et c'est je pense le plus gros échec.


Docteur Folamour est un film culte qu'il faut voir absolument pour plusieurs raisons. D'abord pour le propos avant-gardiste, pour la prestation dingue de Peter Sellers, et tout simplement pour la culture cinéphile. Mais ce n'est pas le chef d'œuvre qu'on nous vend régulièrement. Il manque l'émotion, cette sensation d'avoir pris une grosse claque à la sortie d'un visionnage. Un peu sur le même thème et le même registre je conseillerais le moins connu mais néanmoins génial Panique à Florida Beach.

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le 30 nov. 2018

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BenByde

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