Réalisé par Stanley Kubrick en 1964, deux ans à peine après la crise des missiles cubains, ce film s'inscrit dans un contexte historique plus que bouillant. Même s'il n'est que l'adaptation d'un roman paru en 1958, écrit par Peter Georges et intitulé "Two Hours to Doom", le métrage de Kubrick reste une satire politique dénonçant l'absurdité de la guerre froide et le danger de la menace nucléaire.
On suit l'histoire d'un général américain, Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d'empoisonner l'eau potable des Etats-Unis, et qui décide de lancer une attaque "préventive" sur l'URSS en ayant pris son d'isoler la base américaine de Burpleson du reste du monde.. Pendant ce temps, Muffley, le président américain, convoque son état-major dans la salle d'opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation.
Il s'agit d'un film brillant tant dans son propos, que dans sa forme. Kubrick fait d'ailleurs preuve d'une mise en scène vraiment inventive et audacieuse, avec des angles de caméra originaux, un montage dynamique qui parvient à créer un rythme effréné. De même qu'on saluera, au passage, la performance incroyable de Peter Sellers, capable d'interpréter trois personnages avec un talent remarquable, notamment le Docteur Folamour, qui incarne le recyclage par les USA (et l'URSS) de centaines de scientifiques allemands ayant oeuvré (et souvent adhéré) au régime nazi.
L'usage du noir et blanc est là pour souligner l'aspect documentaire du film, comme s'il s'ancrait dans une réalité teintée de paranoïa, où règnent vanité et soif de pouvoir.
La célèbre scène où le commandant du B-52 (Slim Pickers) chevauche la bombe, peut être vu comme une métaphore de la manière dont les dirigeants, souvent déconnectés de la réalité, jouent avec la menace atomique. Elle montre toute l'irresponsabilité et la folie de ceux qui sont prêts à jouer avec le feu afin de prévenir d'une supposée menace.
Que cette chevauchée soit accomplie par un Texan n'est pas un hasard. Il s'agit là de parodier le mythe de la toute-puissance américaine à travers ses icônes, tels qu'un cow-boy chevauchant le dos d'une bombe comme s'il était sur un mustang en plein rodéo.
Ce qui est plus ironique, c'est de se dire que c'est un militaire qui déclenche l'apocalypse, un simple soldat pris dans une machine qui le dépasse.
Quant à la toute fin de ce film où l'on a comme l'impression de valser sur fond d'explosions nucléaires, là encore, la métaphore est glaçante. Elle annonce la fin de la civilisation dans un apocalypse qui se déchaine.
Un film qui, malheureusement, reste sur beaucoup de points, encore d'actualité.
La connerie humaine est la seule chose au monde qui n'évoluera jamais.