J'ai pas encore eu l'occasion de voir beaucoup de films de Kubrick ("Les sentiers de la gloire", "Orange Mécanique" et "Eyes Wide Shut" sont bien en haut de ma liste de priorités cinématographiques), mais celui-ci est celui qui me parle le plus jusqu'ici. Si "2001" a été une véritable claque dont j'ai encore du mal à me remettre, si "Barry Lyndon" et "Shining" m'ont enthousiasmé, le plus dépouillé "Docteur Folamour" est sans conteste mon coup de cœur
J'ai du mal à me dire que le film date de 1964 tant l'humour noir, les dialogues absurdes, les situations génialement décalées de ce film font mouche à chaque fois et ne semblent en rien datées. Je sais que ce que je m’apprête à dire est très bizarre, mais je me suis senti dans un mix entre Gosciny, les Monty Pythons, Chaplin, Gotlib... Toutes ces références qui ont contribué à former l'humour que j'aime.
Alors quand le tout est mis en scène par Kubrick dans une satyre de la paranoïa américaine et soviétique pendant la Guerre Froide, on atteint un sorte de Graal.
Je pourrais pas citer toutes les scènes qui m'ont marqué, alors dans le désordre: Ce plan fixe avec la nana de l'officier américain qui répond au téléphone à sa place et qui tente de "traduire" poliment les hurlements de son compagnon, tous les dialogues invraisemblables entre l'officier taré de la base et son subalterne (un duo exquis digne de bandes dessinées), la scène du distributeur pour avoir de la monnaie, le dialogue téléphonique hilarant entre le Président Américain et son homologue du Kremlin...
Et puis il y a cette débilité ambiante. Les soldats américains qui glandent dans l'avion et qui s'improvisent héros sans comprendre grand chose à leurs directives, les soldats gardant la base ouvrant le feu sur leurs collègues, absolument toutes les scènes dans le QG souterrain du Pentagone...
Kubrick a mis en scène un condensé de tout ce qui me fait rire dans la culture populaire, au service d'une critique acerbe des conflits et de leur caractère absurde.
Quelques répliques quand même, dans le désordre: "Vous ne pouvez pas vous battre ici, c'est la salle de Guerre!", "Mais si enfin, c'est toujours un plaisir de vous parler, ne vous vexez pas!" ou encore "Ils imitent quand même vachement bien nos uniformes!"
(Sans compter le "Heil my...President!" du fameux "Docteur", dont l'apparition finalement anecdotique renvoie à tout le pessimisme de Kubrick vis à vis l'Humanité. Un ancien nazi conseiller du Président Américain, quand même...)
C'est vraiment très personnel comme ressenti et je dois avouer que je n'ai même pas vraiment pris le temps d'analyser la mise en scène tant le propos a éclipsé tout le reste (il faudrait quand même que je le revois pour ça, surtout après avoir vu "2001" et sa mise en scène incroyable).
Je retiens quand même les téléphones à la disposition de chaque membre du Pentagone et les longs silences gênants entre chaque réplique qui achèvent de créer cette ambiance de malaise jouissive.
Si vous ne l'avez pas vu, foncez. C'est bien plus accessible que les "chefs d’œuvres" de Kubrick et ça n'en reste pas moins un film excellent sur tous les plans.
Et puis, malgré ce propos et cette fin profondément pessimistes, qu'est ce qu'on rit...