L’histoire du Docteur Jekyll et de M. Hyde est extrêmement connue dans la culture populaire, et a fait l’objet de très nombreuses adaptations, que ce soit au théâtre, en bande dessinée, à la télévision, ou, surtout, au cinéma. Cette célèbre histoire, issue du roman L’Etrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, écrit par Robert Louis Stevenson, connut des adaptations cinématographiques dès l’époque du cinéma muet, avec deux courts-métrages en 1908 et en 1912, mais c’est en 1920 que fut réalisé le premier long-métrage en la matière.
Scientifique émérite, le Docteur Jekyll est un homme irréprochable qui mène une vie qui l’est tout autant. Lorsqu’il n’est pas plongé dans ses recherches, il aide les plus démunis dans une clinique qu’il possède. Fiancé avec la ravissante Millicent Carew, rien ne semble pouvoir l’atteindre. Seule sa propre crainte d’être dépassé par ses propres émotions et pulsions, par son côté « sauvage », ce mal qui sommeille en nous tous, est à même de créer une fissure dans ce tableau si parfait. Et c’est lorsque cette crainte va se retrouver ravivée, que l’irréprochable Docteur Jekyll va sombrer dans les ténèbres de son propre esprit.
Le cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde est probablement l’une des représentations les plus frontales de la dualité de l’être humain avec, d’un côté, ce que nous pourrions qualifier comme étant la « raison » et, de l’autre, ce qui tient des pulsions, avec une notion de Bien et de Mal sous-jacente, pour montrer qu’en tout ange sommeille un démon prêt à surgir. Le Docteur Jekyll et M. Hyde de John S. Robertson est aussi frontal dans son approche du sujet, avec une mise en scène qui ne laisse aucune place au doute ni au mystère, s’attelant surtout à impressionner le spectateur et à offrir à John Barrymore un double-rôle mémorable.
En effet, si l’acteur semble parfaitement choisi pour le rôle du bon Docteur Jekyll, il s’en donne à cœur joie en tant que M. Hyde, grimé afin d’être le plus enlaidi possible, et n’hésitant pas à en faire des tonnes lorsqu’il prend cette apparence. La transformation se fait en un simple fondu, mais elle fait tout de même son effet, bien que cette représentation de M. Hyde et sa dimension horrifique puisse paraître archaïque pour des spectateurs modernes. Tout le film suit alors un certain cycle, entre les pérégrinations nocturnes de M. Hyde dans les bas-fonds de la ville, et l’égarement progressif du Docteur Jekyll, qui perd pied face à la domination de cette face cachée sur sa propre personnalité et sa propre vie.
Le Docteur Jekyll et M. Hyde de John S. Robertson offre une première vraie représentation cinématographique du célèbre mythe, trouvant notamment son intérêt dans l’interprétation de John Barrymore, concédant une réalisation et une structure du récit plus classiques. Encore assez peu en vogue, pas encore marqué par l’arrivée de chefs d’œuvre en la matière comme le tout proche Nosferatu, le cinéma d’horreur cherche encore ses repères, et ce Docteur Jekyll et M. Hyde en témoigne, un film encore assez sage, mais qui a tout de même ses instants de frisson.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art