Parmi la vague de films planifiée par l'inarrêtable machine Marvel/Disney, Doctor Stange était le projet qui m'intéressait le plus avec Black Panther. J'attendais le film avec un mélange d'impatience et d'appréhension car si le casting était particulièrement alléchant et le personnage intéressant, le réalisateur n'était pas ce qu'on pourrait appeler un grand nom (si j'ose dire). En outre, Marvel/Disney ne nous a pas vraiment habitué aux bonnes surprises ces 5 dernières années. Pour la petite anecdote, il faut savoir qu'en 2007, Neil Gaiman et Del Toro n'avaient pas caché leur souhait de réaliser une adaptation du personnage. Seulement voila, Del Toro est un grand nom et pas du genre à se laisser étouffer par un cahier de charge, bref pas le genre de Yes man que manie généralement Marvel. De plus, le bougre multipliait les projets et le MCU n'était encore qu'en construction à l'époque. Ce qui fait que Marvel a gentiment refusé le projet. Si l'anecdote date, on ne peut que regretter que le projet n'ait pas abouti, car le duo Del Toro/Gaiman aurait nulle doute produit quelque chose de plus ambitieux et abouti tant sur le niveau scénaristique, qu'artistique. Enfin bref, le passé est le passé mais comme quoi Marvel et grand réalisateur font deux.
Que vaut le film au final ? Il n'est ni particulièrement mauvais, ni particulièrement bon. Il fait son job divertir. De ce fait on ne peut que regretter le manque d'ambition du Studio qui n'a fait que rajouter un enième personnage vidé de sa substance à son univers partagé. Doctor Strange était pourtant l'occasion de proposer quelque chose de radicalement différent, une porte ouverte au mysticisme, à une certaine philosophie. Alors certes, le film est réellement novateur au niveau visuel. Il peut se targuer de bénéficier d'avoir une vraie identité visuelle contrairement aux films aseptisés des Russo. Néanmoins le fond est on ne peut plus classique.
N'attendez absolument rien du scénario, vous l'avez certainement déjà vu servit à toutes les sauces. Un individu rejoint une secte/groupe/légion et se voit formé par un sage qui va lui apprendre à manier la magie/le kungfu/ le chi/barrez les mentions inutiles avec pour finalité d'affronter l'ancien élève corrompu qui s'est détourné de la voie. Le film ne propose absolument rien de neuf et ne fait absolument aucun effort à ce niveau. Les pirouettes scénaristiques sont également légion et donnent la désagréable impression que le film est rushé. Ce bon vieux Stephen est certes surdoué mais toute de même la vitesse à laquelle il assimile les bases de la sorcellerie est difficilement crédible. L'accident qui lui coûte les mains quant à lui est on ne peut plus forcé. Alors certes dans le comic de base, l'accident qui brise les mains du personnage et son initiation est bouclé en quelque case mais quand le long métrage animé de 2007 prenait plus de temps pour travaillé le background du personnage, la paresse du scénario n'apparait que plus flagrante. Le film n'échappe malheureusement pas à son cahier de charge : Méchant sous exploité, romance mièvre, 20145 références aux autres produits Marvel, humour lourdingue. Parenthèse sur l'humour d'ailleurs. A certains moments le dosage est particulièrement efficace, comme lors de la confrontation finale avec Dormammu. A d'autre moments, les blagounettes de carambar détruisent totalement le peu de crédibilité que possédaient encore les personnages (Désole Wong mais Beyoncé ne m'a pas fait sourire). N'attendez pas grand chose au niveau de la psychologie des personnages, ces derniers sont des archétypes. Le seul moment un tant soit peu émouvant réside dans le dialogue final entre Strange et son mentor.
Que dire de l'aspect pseudo philosophique du film ? Bien évidemment la patte balourde du réalisateur occidentale se fait bien sentir. La vision de l'orient étant une fois encore parasité par une multitude de clichés grossiers. Le bel occidentale dans toute sa superbe est un parfait connard prétentieux, condescendant et snob. La spiritualité sensée émaner du film pourrait se traduire par "ouvre ton esprit petit scarabée". Non sérieusement à ce niveau on ne rit même plus et que dire du kung fu ? Heureusement le personnage grandit un peu à la fin du film, sinon quoi l'antipathie aurait atteint des sommets car le MCU n'a clairement pas besoin d'un second Tony Stark à ce stade.
C'est finalement au niveau visuel que le film trouve sa rédemption. Alors certes la comparaison avec Inception et Batman Begins se fait sentir mais rappelons aimablement aux mauvaises langues que Batman Begins s'inspirait de Batman année 1 et Batman the man who falls, tout 2 écrits bien après les origines du Docteur Strange. Sans parler du fait que toute la séquence tibétaine de Begins n'était pas sans rappeller "The Shadow" de Russell Mulcahy, sorti en 1994. Quant à Inception il s'inspirait de Paprika de Kon, qui lui même pompait sans vergogne d'autre films (bien le pompage d'eXistenZ de Cronenbourg, des séries B d'horreur dans un parc d'attraction abandonné ?). Enfin bref, l'originalité est désormais une valeur rare. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le film nous en envoie plein les yeux. Qu'on plonge dans un monde qui se distord, dans une autre galaxie, dans une dimension fantastique n'obéissant plus aux lois physiques, dans une réalité horrifique ou qu'on joue avec le temps et l'espace le film est spectaculaire. Le spectateur est tout autant perdu que le personnage. A vrai dire, cet univers qui se distord est sans nul doute l'intérêt premier du film. Si les scènes d'actions souffrent parfois de gros problème de lisibilité (ce qui est triste quand on avait un artiste martial du niveau de Scott Adkins au casting), les trouvailles de mise en scène sont riches et se renouvellent continuellement. Qu'on passe d'une ville qui se distord, d'un combat au sein d'une ville dévastée, au coeur d'une autre dimension, d'une bataille où le temps fait des siennes, ou qu'on fasse intervenir des artefacts plus délirants les uns que les autres, le spectateur en a pour son argent. A ce titre, Doctor Strange fait même mieux qu'Antman. J'avoue avoir ressenti un certain plaisir coupable en dépit de la déception causée par le scénario. Le film se permet même un dénouement particulièrement amusant avec l'antagoniste final, avec une utilisation judicieuse du temps et une légèreté cette fois ci bienvenue.
Que dire des personnages ? Si la plupart d'entre eux sont inintéressants les acteurs charismatiques et talentueux parviennent néanmoins à sauver les meubles. Benedicte Cumberbaetch un peu hésitant au début, trouve ses marques et offre une bonne prestation. Tilda Swinton et Chiwetel Ejiofor s'en tirent honorablement malgré une écriture ne les mettant pas en valeur. On regrettera cependant la prestation de Wong tenant plus du siderkick comique qu'autre chose et de la pauvre Rachel Macadams qui bien que charmante se voit enfermé dans un rôle de love interest mièvre et sans grand intérêt. Le méchant incarné par le charismatique Mads Mikkelsen a au moins le mérite d'avoir une motivation moins manichéenne que d'ordinaire et une ou deux scènes plutôt réussies, ne serait ce que sa confession sur le temps. Cela dit, il demeure tout de même bien trop sous exploité pour être mémorable.
Doctor Strange est donc un film plus que banal sur le fond et très agréable sur la forme. Cela peut décevoir mais Malheureusement je n'espère plus que le MCU ait autre chose à proposer.