Bien plus qu'une animation de bar à popcorn.

Je vais être honnête, je n'ai jamais été fan du MCU et je n'attendais donc pas ce film avec impatience. A vrai dire j'y suis juste allé dans le but de tester l'imax, espérant simplement assisté à un bon spectacle un peu plus divertissant que toutes les merdes super-héroïques qu'on se tape depuis presque une décennie. Bref, inutile de vous dire au vu de ma note que mes maigres attentes ont largement été rentabilisées.

Quelle ne fut alors ma surprise de constater que l'opinion global ne partageait pas du tout le même enthousiasme que moi. Alors que j'endosse habituellement le costume du méchant aigri et jamais content qui descend en flèche des blockbusters surestimés dès qu'ils sortent un tantinet du lot (ou qu'ils tartinent bien le fatboy dans le sens du lard) voilà que la tendance s'inverse, me retrouvant ainsi seul à m'émerveiller devant ce film là où les autres spectateurs même les plus passionnés par l'univers Marvel n'y voient qu'un divertissement sympa mais quelconque, oubliable et avec trop de défauts impardonnables.

Je peux aisément comprendre ce sentiment de frustration face à un film foncièrement pas mauvais mais dont on ne sent aucune prise de risque et dont on distingue très clairement les grosses ficelles scénaristiques qu'il met en place pour faire avancer son récit. Donnant lieu à une histoire bancale et attendue qu'on a l'impression d'avoir déjà vu un bon paquet de fois. Cependant, j'ai du mal à voir comment on pourrait reprocher ça à une œuvre comme Doctor Strange.

Déjà, contrairement à d'autres blockbusters bien plus bancales et pourtant encensés, celui-ci arrive avec un véritable univers qui lui est propre. Le film présente en effet un monde immense et fascinant qui donne le tournis et offre des pouvoirs infinis aux personnes pouvant en maitriser les règles. Si certains d'entre vous n'y ont vu qu'un concept abstrait et peu attrayant, la perspective qu'il existe mille dimensions différentes de la notre, que toutes les lois physiques de notre monde ne sont pas immuables et qu'il est possible d'en maitriser les éléments en parvenant à s'affranchir d'une vision simple et matérialiste des choses afin d'être au dessus de notre propre matrice et de pouvoir en quelque sorte la modifier comme bon nous semble, je trouve ça jouissif. C'est le même principe qui me fait adorer Star Wars et ses maîtres Jedis. Si les héros étaient simplement des mages ou des supers-héros avec des pouvoirs génétiques, ça n'aurait pas le même impact. Tandis que là, se sont des êtres dotés à la fois de prédisposition et de sagesse qui, à force d'entrainement on pu maitriser un pouvoir enveloppant tout notre univers et ne pouvant être détenu que par une poignée d'élites. Et c'est exactement le même concept avec Doctor Strange.
Cet univers particulier et très attrayant apporte d'emblée sa singularité au film, faisant de lui une œuvre à part dans l'écurie Marvel. Mais ce n'est pas le seul point sur lequel il sait se distinguer.

Le concept même du long-métrage offrait tellement de possibilités qu'il obligeait presque son réalisateur à se dépasser et à ce niveau c'est également chose faite. Vous devez absolument voir Doctor Strange in AMAZING IMAX 3D, pourquoi ? Parce que ce film a été réalisé pour être vu ainsi. Je n'ai jamais vu un film de super héros aussi visuellement créatif et j'ai rarement pu observer une 3D aussi bien foutue. Gérant à merveille la profondeur de champ pour nous impliquer complètement dans son récit et nous faire perdre nos repaires dans ces environnements en perpétuellement mouvement, le metteur en scène ne cède à la tentation des effets de projection putassiers que lorsqu'ils sont réellement nécessaire, comme lors de cette subliment séquence dans laquelle L'Ancien envoie l'esprit de Strange hors de son corps pour le perdre dans les recoins les plus paumés de l'infinie et au-delààààààààààààà !
Du reste, le réal nous gratifie de superbes scènes d'actions, toujours parfaitement lisibles et profitant toujours de leur concept pour produire quelque chose d'unique, de spectaculaire et de monstrueusement kiffant. Le tout magnifiée par la musique de Michael Giacchino, bien mois effacée que dans les blockbusters habituels, même si on ne retiendra que son très bon thème principal. Et si vous trouvez que j'abuse de superlatifs primaires, je vous invite à vous remémorez le superbe combat entre Strange et l'un de ses ennemis à L'Hôpital, alors que tous deux se trouvent en projection astrale.

Cette scène me permet d'amorcer une subtile transition vers l'autre point positif de cette œuvre, son humour qui, à l'inverse d'autres films Marvel fait non seulement mouche à de nombreuses reprises mais est également parfaitement géré et intégré au sein du long-métrage. A aucun moment il ne vient prendre le pas sur l'histoire ou la dramaturgie du scénario. Les gags interviennent toujours au bon moment, le réalisateur sachant très bien marier les deux tonalités de son film, quitte à parfois les assembler au sein d'une même scène. C'est ce qui se produit dans notre exemple précédant, avec le combat d'esprits à l'hosto qui est à la fois une scène d'action efficace bien réalisée, tout en étant un franche moment de rigolade grâce aux interactions annexes de Rachel McAdams, complètement perdue au milieu de tout cela et tentant tant bien que mal de sauver son patient en faisant fit de ce qui se passe autour d'elle.

Enfin, Doctor Strange n'est pas seulement qu'une animation d'un resto à popcorn, il y a un fond et une réflexion palpables derrière le long-métrage. Car sous ses allures d'aventure fun et divertissante, Strange parle des responsabilités qu'engendre un tel pouvoir. Notre héros veut ainsi se l’accaparer pour son usage personnel, afin de redevenir le chirurgien émérite qu'il était avant son accident, il agit donc par pur égoïsme, ne se souciant nullement de la responsabilité que lui confèreraient de telles capacités. De son côté, le méchant Kaecilius a pleinement conscience de ses responsabilités, il a néanmoins une philosophie plus radicale pour sauver l'humanité et n'hésite pas à enfreindre des règles pour arriver à ses fins, ignorant ainsi les conséquences de ses actes. Enfin, L'Ancien est la chef de cette petite communauté, elle a choisit de consacrer sa vie à la protection de l'humanité en formant de fidèles disciples pour l'aider dans sa tâche et en établissant une série de règles à ne pas franchir pour éviter de mettre en péril l'équilibre de l'univers. Toutefois, le message du film sera justement que l'on ne peut poursuivre indéfiniment notre mission en étant aussi irréductible et qu'il est nécessaire de parfois transgresser quelques règles pour le bien de tous, même si il faudra pour cela en payer le prix, d'une façon ou d'une autre. C'est ce que fait L'Ancien en tirant sa jouvence de la galaxie noire et c'est ce que comprendra Strange lorsqu'à la fin du film il sauve la situation grâce à un plan particulièrement malicieux, d'autant qu'il était subtilement annoncé depuis le début. Certes la thématique et son message ne sont pas révolutionnaires, mais ont cependant le mérite d'être traité avec justesse et efficacité, faisant de Doctor Strange un blockbuster moins con qu'on ne pourrait le croire.

Et pourtant, ça ne l'empêche pas de recevoir de nombreux avis négatifs ou mitigés venant le descendre en flèche. Ça m'énerve d'autant plus que les principaux reproches que l'on peut faire à son encontre sont surtout adressé au MCU dans son ensemble. Les gens en ont marre de la formule Marvel et de leurs origins stories de super-héros, alors ils prennent Doctor Strange en exemple de la feignantise marvelienne tout ça parce qu'il ose reprendre quelques caractéristiques des autres films de la franchise.
Je trouve cela abjecte parce que c'est occulter tout ce qu'il apporte de nouveau à la saga et puis ça nous empêche de juger le film pour ce qu'il vaut à lui seul, indépendamment de l'immense corpus au quel il est rattaché. Alors que ce n'est pas une suite, il se suffit à lui-même et ne se place pas en complément d'un autre film et puis de toute façon, l'univers Marvel n'est pas un tout cinématographique cohérent pour développer une histoire commune avec plein de persos sur le long terme... C'est un putain de prétexte pour réunir des héros ensemble dans un même film et faire péter le box-office avec ça, rien de plus.
Alors oubliez le logo Marvel au générique, oubliez la scène post-générique et les références aux Avengers et voyez ce film comme une œuvre à part entière et pas comme une partie d'un tout qui ne prend son sens que dans son entièreté, parce que ce n'est pas le cas du MCU.

On accuse toutefois Doctor Strange de n'être qu'un remake déguisé d'Iron Man et là aussi j'ai du mal à comprendre. Certes il y a des similitudes indéniables, tous deux sont des génies arrogants et solitaires qui vont être amené à acquérir des pouvoirs et à abandonner leur penchant égoïste pour sauver l'humanité. Mais il y'a aussi énormément de différences notables. Premièrement, Strange n'est pas un hersage de Tony Stark, c'est un archétype de génie arrogant comme il en existe des centaines dans le monde de la fiction. Stark n'a pas le monopole pour ce genre de protagonistes. Quand la série Sherlock fut diffusée, on a pas accusé son héros d'être un hersage de Dr House apparu bien avant à la télé. Pourquoi en serait-il autrement ici ? Surtout que Cumberbatch n'est pas Downey Jr, il a sa propre façon d'incarner le personnage et il est excellent dans son propre style. D'autant que Strange n'est pas non plus Iron Man. Leur univers, leur entourage, leurs capacités et même leur développement sont très différents. Stark se sent responsable d'avoir indirectement armé des terroristes et va se servir de l'objet qui le maintient en vie pour devenir un héros. Strange c'est un chirurgien surdoué et autodidacte qui a un esprit mathématique et rationnel et qui va devoir remettre ses certitudes en question pour ouvrir son esprit à une nouvelle conception de l'univers et des éléments qui l'entourent. Seulement, sa grande intelligence se révèle être un atout dans son nouveau monde. Sa mémoire photographique lui permet d'assimiler de nombreuses formules en peu de temps et ses capacités cérébrales lui permettent de réagir vite et bien aux situations périlleuses auxquelles il est confronté, palliant son inexpérience par des ruses et des plans ingénieux pour combattre ses adversaires. C'est grâce à cela qu'il parvient à tirer son épingle du jeu et à s'imposer comme successeur de L'Ancien. En combinant à la fois son intelligence chirurgicale avec une approche plus spirituelle et abstraite des éléments qui l'entourent pour mieux les contrôler. + le rejet de l’égoïsme et la responsabilité qu'il doit blablabla je me suis déjà assez répété comme ça.
De ce fait, si Doctor Strange reprend dans les grandes lignes l'histoire et le personnage d'Iron Man, ces deux derniers demeurent complètement différent dans leurs longs-métrages respectives. Rendant par la même ce "défaut" complètement caduc.

Un autre reproche souvent adressé au film est sa trop grande rapidité, comme si il allait trop vite et ne prenait pas suffisamment son temps, ce qui donnerait l'impression que le héros devient trop rapidement le Master of The Universe. Là encore, je ne comprend pas pourquoi. J'ai trouvé au contraire que le film prenait tout son temps pour nous conter son histoire, posant ainsi bien le contexte, les enjeux, les personnages et surtout expliquant en large l'univers du récit ainsi que ses règles. Une exposition qui est d'ailleurs disséminé petit à petit au cours de dialogues intervenant toujours au bon moment dans le scénario et le tout de façon claire et compréhensible.
Le réalisateur ne nous précise pas exactement combien de temps s'écoule entre le commencement et la fin de son histoire, mais on peut largement supposé qu'on ne nous montre pas tout et qu'il y a surement beaucoup d’ellipses dans ce film. Combien de temps durent son errance et son entrainement. Des jours, des mois, des années ? Ça ne nous sera jamais précisé parce qu'on s'en fout.... on s'en balec bordel. On comprend juste que ça prend du temps et que ça ne se fait pas immédiatement. Mais je sais pas, c'était peut-être trop déroutant pour certains spectateurs qui auraient préféré avoir un carton "9 mois plus tard" à un certain moment pour voir où on en était.

Et enfin dernier point sur lequel tout le monde ou presque s'accorde à dire qu'il y a des problèmes : Les personnages secondaires. J'ai entendu de tout à leur sujet. Inutiles, sous-exploités, sous-développés, sur-payés.... Mais qu'en est-il vraiment.
-Inutiles ? Non, je suis en mesure de l'affirmer avec une arrogance catégorique. Que se soit L'ancien, mentor, leadeuse et guide de la communauté ; Kaecilius le méchant ; Karl Mordo, l’élève modèle et antithèse complète de Doctor Strange dans sa croyance absolue au règlement et à volonté de ne jamais le transgresser ; Wong le bibliothécaire marrant servant de garde livre et se révélant être un allié efficace au combat, tous ont une importance plus ou moins grande dans le scénario, oui même Christine la collège de Strange.
Beaucoup ont crié qu'elle n'était là que pour apporter une romance obligatoire au héros, même si elle est bâclée et inconsistante. A croire que les gens n'ont pas vu le film. Christine n'est ni la copine, ni l'amie de Strange, c'est son plan cul, juste son plan cul, c'est explicitement dit au cours de l'exposition ! Et c'est par ailleurs le seul et unique lien affectif de Strange, tellement seul et marier à son travail qu'il n'a dans son entourage ni famille, ni amis et que la seule personne qui se préoccupe de lui est sa collège de boulot avec qui il est obligé de bosser tous les jours et qu'il ne fait que se taper sans être avec elle. Rien que cet élément nous en apprend beaucoup sur le caractère de notre héros. Mais donc, Christine est indispensable pour nous servir d'intermédiaire avec Strange et pour lui prêter main forte quand il en a besoin. C'est simple, dites vous que sans elle, pas de combat d'esprits dans l’hôpital ou de Doctor à soigner à toute vitesse dans le même laps de temps :p
-sous-exploités ? Non. Chacun est utilisée comme il doit l'être, ni plus ni moins. Si les acteurs qui incarnaient les rôles en question étaient moins connus, personne n'auraient râlé. Mais là, Oulala la toute puissante Rachel McAdams a un rôle tertiaire dans un long-métrage, scandale !
-sous-développés ? Non. Se sont des personnages secondaires et nous ne sommes pas dans une série, nous n'avons pas le temps de développer tous les protagonistes aussi minimes soient-ils, certains seront forcément mieux lotis que d'autres. Alors autant, dans Suicide Squad ce reproche pouvait se justifier dans la mesure où on suivant un groupe avec des individus sensés être au même niveau et finissant par se serrer les coudes à la fin alors qu'on a jamais développer plus de trois personnes dans cette team à la con. Autant dans Doctor Strange, c'est clairement le personnage éponyme qui est au centre de l'intrigue. De plus, les protagonistes sont tous plus ou moins bien caractérisés, afin que l'on ressente qu'ils aient tous une personnalité à l'écran,cela permet de les doter d'une consistance et faire oublier que se sont avant tout des persos fonctionnels. Sauf dans le cas de Christine.
-sur-payés ? Oui. Ah pardon, tout le monde s'en fout de ça, désolé :)

Et bien-sûr, je ne pouvais pas finir cette interminable critique sans revenir sur le méchant qui s'en est lui aussi prit plein la tronche. Mais bon, pour le coup, je comprend qu'on ne puisse pas l'apprécier. Ce qui rend Kaecilius intéressant pour moi, c'est surtout son background. Ex-élève de l'Ancien, son plan n'est pas de conquérir le monde mais au contraire de le sauver. Il aime sincèrement l'humanité et cherche à la protéger de son pire ennemi, le temps. Pour cela, il accepte de vendre son âme à la galaxie noire, en devenant l'un de ses serviteurs. Ainsi, il peut livrer notre monde à cette galaxie qui ne connaît pas le temps chez elle, de sorte à ce qu'en échange d'une servitude éternelle, le temps ne s'écoule plus chez les humains, les protégeant ainsi de la vieillesse et de la mort. Sur le papier, ce méchant est génial, mais son background en fait un être froid, robotique et inexpressif. Caractérisation cohérente avec le personnage mais il en devient inévitablement un méchant fade à l'écran, malgré le charisme naturelle de de Mads Mikkelsen.

Alors oui, Doctor Strange n'est pas un chef d’œuvre, ce n'est pas le meilleur film de super-héros jamais sorti et ce n'est pas le blockbuster de la décennie. Il n'empêche qu'il m'a fait rire, rêver, m'émerveiller même et que je le trouve cent fois plus créatif que 90% des bouses que marveliennes produites à la pelle. Tout comme Les Gardiens de la Galaxie, ce Marvel là a sa propre personnalité, son propre trip, il reprend certains éléments de la formule Marvel sans pour autant être un film de super-héros fade de plus, il suit sa propre route en racontant son histoire à sa façon ce qui le rend très plaisant à visionner. A la différence que là, on est pas un délire léger et barré mais dans une aventure à la fois premier et second degré, divertissante, psyché et au rendu visuel incroyablement aboutit. Et je ne comprend pas comment on peut bouder son plaisir à ça, surtout si c'est pour aller encenser Avengers derrière qui en est l'inverse opposé. Le pire c'est que, personne ne dit avoir détesté le film. Toute le monde reconnaît ses qualités et admet avoir passé un bon moment. Mais voilà, comme c'est un film du MCU qui ne cache pas ses origines en plus, ils se sentent obligé de le comparer à ses pairs et de le dévaluer par rapport à des détails insignifiants ou des "défauts" qui n'ont à mes yeux pas lieu d'être. A croire que tout le monde a perdu son âme d'enfant ou que nous ne sommes plus capable de juger une œuvre pour ce qu'elle est, indépendamment de ses origines.