Telle l'inversion des pôles, Marvel a basculé, bouleversant les règles de l'ordre établi. Prenez-le comme vous voulez mais le Doctor Strange a bien modifié le sens des réalités. L'auteur de Spider-man marchant dans les pas de Scott Derrickson ? La bonne blague. Quel cerveau malade aurait pu engendrer une pensée aussi perverse dix ans auparavant sans prendre un coup de maillet sur les gonades ? Alors oui Raimi n'est pas un cas isolé, Shane Black avait, lui aussi, fait suite à John Favreau. Cependant, la force de frappe d'un metteur en scène fondamental aussi passionné par le médium comics n'a-t-il pas autre chose sous le coude afin d'exorciser sa soif de créativité ? N'existe-t-il pas un autre producteur que Kevin Feige pour canaliser le flux artistique d'un des réalisateurs les inspirés de la planète Hollywood ?
Dans une alliance Marvelienne contre-nature, il faut prendre en compte la part de castration artistique d'un cinéaste au pain sec et à l'eau depuis dix ans et des investisseurs rivés sur les colonnes du box office. La marge de manœuvre est égale à une taille 62 dans un string Kiabi pour Lolita. Le prix à payer pour faire son comeback sur la grande scène internationale du blockbuster. Seulement la position du réalisateur d'Evil Dead n'est pas la même que celle d'un Joe Johnston sur Cap'America alors en phase uno et encore moins celles de Gunn et Zhao qui ont eu les coudées franches pour injecter une force identitaire à leurs bébés sans que l'on sache par quel miracle de tels accords peuvent encore converger en faveur du réalisateur. Ne comptons pas non plus sur un stand alone façon Iron man 3 ou Thor Ragnarok qui contenaient suffisamment de folie pour être attribués à leurs créateurs sans que vienne poindre le moindre soupçon.
Avec ce sequel de Doctor Strange, on imagine sans peine que ce ne sera pas la même limonade, Sam Raimi en queue de comète, occupant la place la plus ingrate qui soit : Prolonger l'arc narratif du Multivers et surtout redresser l'indigence d'écriture commise à l'encontre de son protagoniste sorcier assimilé à un âne du Poitou au QI avoisinant le zéro absolu. No Way Home ou le dossier de l'écran" le plus intraitable à l'égard de ses figures super héroïques... Dans de telles circonstances et histoire de prouver que Raimi est bel et bien un saint en terres païennes, le réalisateur va tenter de réanimer le cadavre à coup de pompe dans l'cul.
Et comme on pouvait ne pas si attendre, la mission se déroule dans un fourbi mystique du plus bel effet. Raimi dont Marvel a gaulé la caisse à outils et le pot de peinture trouve le moyen d'exprimer son Art dans les grandes largeurs sans forcer. Alors, on vous expliquerait bien que la folie imprègne les pixels à l'écran, que l'on flirte avec le graphic horror mais le chaos s'inscrit dans un cadre bien précis en faisant mine de s'octroyer une liberté qui n'existe qu'à moitié. L'essentiel est bien sur la toile. L'artiste recycle ses plus beaux effets et redonne des couleurs à la firme qui ne faisait que tirer le spectateur dans les limbes du fond Vert.
Mais le jeu "Raimien" tourne court lorsqu'il faut rappeler le spectateur sur le plancher des vaches. Le train fantôme aussi bluffant soit-il n'est que l'attraction d'un soir sans réelle implication émotionnelle. Les vertus de l'exercice et ses limites évoluent dans un périmètre de jeu qui n'appartient qu'à Marvel Studio plutôt qu'à Sam Raimi. Les vicissitudes de Stephen Strange ne sont pas celles de Peter Parker.
Doctor Strange 2 vacille alors lorsque le spectateur lui tend son coeur mais lui gaine aisément le nerf optique dans sa soif de cadres alambiqués. L'auteur de Mort ou vif revient par la petite porte avec un segment qui domine haut la main tous ses confrères. Le syndrome des roses sur de la merde a encore frappé.