Quand j’ai prêté mon DVD du film Mallrats à un collègue et ami, celui-ci me l’a rendu, tout excité d’avoir découvert Kevin Smith, en manque d’autres films du réalisateur. Avant que j’ai pu lui prêter d’autres films, il avait déjà regardé trois fois la filmographie complète ou presque du réalisateur.
Alors j'ai essayé de suivre, timidement, pour alimenter nos discussions cinéphiles au coin du feu. Dont Dogma, son quatrième film et qui s'intègre dans le View Askewniverse, l'univers partagé du scénariste et réalisateur. Ce qui fait que différents clins d'oeils sont présents, mais que, surtout, les inégalables Jay et Silent Bob sont de la partie au sein d’une histoire assez perchée.
Deux anges déchus, Loki et Bartleby, ont été condamnés à l'exil sur terre, il y a fort longtemps. Ils repèrent une faille logique qui pourrait leur permettre de revenir. Or, cela contredirait l'ordre de Dieu, et foutrait un bordel monstre pour ne pas dire apocalyptique. Dieu étant absent, le Metatron, son porte-parole, charge une jeune femme qui travaille dans une clinique d'avortements de leur faire renoncer à leurs projets. Celle-ci trouvera différents compagnons de route, plus ou moins divins, à mesure que les deux anges s'entêteront dans leur projet.
Wikipédia le classe comme une comédie fantastique, Allociné inverse les deux, IMDB comme un pot-pourri de « Adventure | Comedy | Drama | Fantasy ». A ce petit jeu, je le classifierais comme un film d'aventure sacrement drôle. Il se passe beaucoup de choses, avec beaucoup d'humour, et s'il est vrai qu'on perd le côté « film indépendant » des précédents, ce qui a pu déplaire à mon collègue, il en reste des traces, au moins dans l'esprit. Ce n'est pas le gros film hollywoodien boursouflé de suffisance, sûr de lui.
Je lui reproche une galerie de personnages un peu trop chargée pour son propre bien, mais le casting est formidable. Matt Damon et Ben Affleck jouent les deux anges tourmentés, Chris Rock incarne le 13ième apôtre, qui nous avait été caché parce que black. Alan Rickman fait illusion dans le rôle du Metatron. Jason Lee (la série Earl, pour situer, en gros) est le bâton dans les roues des « gentils ». Salma Hayek joue de ses charmes dedans, et je ne vous révélerais pas l'identité de Dieu. C'est du beau linge ma petite dame.
Avec un tel pitch, on aurait pu s'attendre à une descente en règle du christianisme. Surtout en s’amusant à le comparer avec Preacher, excellente BD de Garth Ennis et Steve Dillon, avec qui il partage quelques points et qui, elle, taille large dans le blasphématoire. Lors du tournage, plusieurs associations religieuses ont essayé de pourfendre cette œuvre qui ne pouvait être que satanique. Kevin Smith, amusé, s'incrustera même à quelques uns de leurs rassemblements. Mais ce n'est pas un film de l’Anti-Christ, Kevinou est même un gentil catholique, tout juste légèrement fêlé sur les bords. Il règle quelques comptes avec l’Église de façon un peu franche, mais sans s’appesantir. Il y est question de foi, de gens qui ne l'ont pas, et ce n'est pas bien grave, ce n'est pas du prosélytisme. La mythologie chrétienne est vraiment utilisée comme du matériau, pas comme sujet principal.
Qu'on soit croyant ou pas, ce n'est pas une condition pour apprécier ou pas le film. Dogma m'a fait remonter ma cote d'amour pour Kevin Smith, ses films un peu trop bavards me convaincant moins. Une belle aventure, folle et débridée, d’une grande imagination.