Dogma est ce qui rapproche le plus d'un 'vrai' film dans la filmo de Smith. Avec un budget bien plus conséquent, un joli casting, un véritable directeur photo, et Howard Shore à la bande originale, le film semble bien plus professionnel et abouti que les trois précédents.
Ben Affleck et Matt Damon y jouent deux anges déchus prêts à tout pour retourner au paradis. Mandatée par la voix de dieu en personne (Alan Rickman), Linda Florentino, une chrétienne désabusée en pleine crise de foi, se lance dans une odyssée semé d'embuches pour les empêcher d'exploiter un vide juridique et ainsi vaporiser toute la création. Elle sera pour cela accompagnée de Chris Rock en 13ème apôtre, Salma Hayek, muse et strip-teaseuse de son état, et Jay & Silent Bob en improbables prophètes.
Pour apprécier pleinement le caractère transgressif d'une telle entreprise, il faut se rappeler que le film a été produit et distribué aux États-Unis, pays catho confit et conservateur s'il en est. En le revoyant aujourd'hui, l'humour y parait bon enfant et finalement très bienveillant à l'égard de la foi et des mythes Chrétiens, mais les fréquents tacles contre le dogme et l'Église catholique ont provoqué quelques émeutes à la sortie du film.
Dogma ne remet jamais en question l'existence de Dieu et de tout son écosystème d'anges, démons et muses, certains dialogues ne sont pas tendres avec la bible et la manière dont le message divin a été interprété et déformé pour notamment gommer toute diversité de genres et d'ethnicités. On y découvre aussi des anges faillibles et la sagesse divine est régulièrement remise en question.
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Mais Dogma n'est pas juste un brûlot provocateur se nourrissant de controverses faciles, c'est avant tout une comédie d'aventure originale et rondement menée, avec quelques petites lacunes de rythme ici et là, et quelques blagues de prout pas forcément nécessaires (on y reviendra dans le film suivant).
Les dialogues sont drôles et souvent incisifs, et chaque apparition de notre paire d'anges déchus est un régal. Jay et Silent Bob sont bien plus présents que dans les films précédents du View Askewniverse, ce qui sera ou non une qualité selon vos affinités avec l'humour burlesque et les blagues de cul qu'ils apportent en quantité industrielle.
Le film est bourré de bonnes idées, de trouvailles visuelles, et mérite encore d'être découvert aujourd'hui, car il ne se repose pas encore trop sur les private jokes de son 'univers étendu', et s'appréhende comme une œuvre indépendante qui ne s'encombre pas de pré-requis.