Au moment de la sortie de Léon, en 1994, Luc Besson avait annoncé qu’il arrêterait sa carrière après son dixième film, qui fut Arthur et les Minimoys en 2006. En 2023, le voici qui nous présente son 19ème long métrage – potentiellement le 20ème, sachant que son film surprise tourné pendant le confinement menace toujours de sortir en salles -, Dogman.
Il est vrai que plus personne n’attend un nouveau film de Besson, golden boy du cinéma du look ayant tenté l’aventure américaine, y laissant des plumes, des larmes et de la créativité. Roi déchu d’un empire, ayant péché par excès dans à peu près tous les domaines, le réalisateur tente une nouvelle incursion qui pourrait le faire renouer avec le succès surprise de Lucy il y a bientôt dix ans et qui fut, faut-il le rappeler, le nanar le plus sémillante de la décennie.
Dogman n’atteindra certes pas ces abymes, et on le regrettera presque, dans la mesure où elles avaient la capacité de générer chez le spectateur leur lot d’émotions fortes, de l’indignation à l’incrédulité la plus hilare. Le film, entièrement centré autour d’un comédien en grande forme (Caleb Landry Jones, toujours prêt à se donner pour des personnages à la marge, qu’on se souvienne de Nitram en 2021), imagine donc une énième figure de justicier revanchard sur sa vie pas drôle, dans une trajectoire qui mixera celle du Joker et The Whale.
On ne reprochera pas à Dogman son manque d’originalité, dans la mesure où c’est là l’une des marques de fabrique de Besson, qui recycle paresseusement les motifs, et satisfait des pulsions puériles dans un univers proche du conte, avec méchants punis et demoiselles en détresse secourues. Toute la thématique autour des chiens est ainsi confondante de facilité, les gentilles bestioles répondant à toutes les exigences d’un scénario (lire, comprendre le moindre ordre, faire preuve d’initiative) qui leur ouvre toutes les portes, avec la magie propre aux longs métrages d’animation du type Comme des bêtes.
Les hommes sont donc méchants (pas au ralentis et bruitage de ceux de Godzilla, petit assureur fouineur), l’enfance traitée avec un manuel de psycho emprunté à un enfant de 8 ans (sourires sardoniques, fanatisme chrétien en carton, coups au ralenti), et notre protagoniste évolue gentiment de psychopathe à Christ sacrificiel, toujours plus fort que les autres, mais altruiste parce qu’il a découvert le théâtre (l’occasion de citer du Shakespeare et du Rostand) et la sororité de la communauté Drag, autant d’ajouts sans saveur permettant de gonfler le métrage vers les 1h50 de rigueur.
Dogman est donc simplement stupide : si l’on excepte la performance de son comédien principal, qui sait effectivement donner un brin de magnétisme à certains plans sur sa personne, il est surtout inoffensif, tant le réalisateur ne s’embarrasse plus de travailler la forme, se contentant de fusillades paresseuses et de citations musicales censées bouleverser l’assistance. Ses contre-champs sur des chiens qui penchent la tête pour montrer qu’ils ont compris métaphorisent très probablement la manière dont Besson considère son public, à qui il avait pourtant promis de s’arrêter à temps.