Dollman
5.2
Dollman

Film de Albert Pyun (1991)

J’aime bien Albert Pyun. Je suis sans doute l’un des seuls mais je l’aime bien. Sa filmographie a beau être uniquement constituée de série B, nanars, navets et autres séries Z, il y a pourtant quelques bobines qui valent le coup d’œil pour l’amateur averti : Nemesis (1992), Cyborg (1989), L’Épée Sauvage (1982), ou encore Knights : Les Chevaliers du Futur (1993). Et puis, je ne sais pas, il se dégage quelque chose de ses films. De la générosité, de la sincérité même… On a vraiment l’impression qu’il essaie de faire de son mieux avec le maigre temps de tournage et le budget riquiqui qui lui sont impartis. Alors voilà, rien que pour ces raisons, le Dollman (1991) qui nous intéresse ici n’ira pas faire un tour dans Le Coin du Nanar. Et pourtant, il aurait pu y figurer pour pas mal de raisons. J’ai hésité longuement. Mais je ne peux décemment pas l’y mettre car malgré le désastre du film, il semble pavé de bonnes intentions. Si si, je vous jure !


Imaginez un croisement entre L’inspecteur Harry, Timecop, et Chérie J’ai Rétréci les Gosses. Ça y est vous l’avez ? Eh bien voilà, maintenant vous avez une vague idée du résultat improbable dont le duo Albert Pyun / Charles Band a voulu accoucher sur pellicule sous la houlette de Full Moon Features. Pour ceux qui ne connaitraient pas les petits gars de chez Full Moon, ce sont eux qui sont derrière des chefs d’œuvres tels que Creepozoïds, Future Cop 2, Mandroid, ou encore des sagas des Puppet Master, Evil Bong, Trancers, Demonic Toys ou encore Gingerdead Man. Même si dans le tas il y a quelques séries B efficaces, on peut clairement affirmer qu’on n’est pas ici dans du grand cinéma mais plutôt au royaume de la débrouille dans du cinéma vite fait / pas cher. Et comme dans beaucoup de leurs productions, les ambitions de Dollman vont être bien au-delà du (très) maigre budget qui aura été alloué à ce bon vieux tâcheron d’Albert Pyun.
Pas d’argent donc, et ça se voit. Enfin, au début pas tant que ça. Le film commence comme un polar mi SF / mi post-apo, avec son héros au charisme particulier, joué par Tim Thomerson (vu dans tout un tas de prod Full Moon), sorte de croisement entre Kurt Russell et Frank Zagarino, qui se retrouve une fois de plus confronté à son ennemi juré interprété par Frank Collison (O’Brother, Le Dernier Samaritain), dont le personnage est une tête sans corps (car les dernières rencontres avec le héros ont laissé des traces) installée sur une machine volante à réacteurs inclinables. Voilà voilà. Mais jusque là encore, tout est à peu près normal pour ce genre de série B. On a du gunfight, des effets bien gores artisanaux qui tiennent plutôt bien la route. Et puis arrivent les effets spéciaux qui piquent les yeux, ceux qui ne laissent aucun doute sur le budget du film, avec des incrustations bien dégueulasses faites à la va-vite car de toute façon on ne sait pas les faire. Mais… soit. Montrons-nous indulgents. Le méchant arrive une fois de plus à fuir, s’ensuit une course-poursuite dans l’espace qui fait saigner des yeux jusqu’au moment où leurs vaisseaux sont absorbés dans une sorte de trou noir qui va les… euh… téléporter (?) sur Terre. Et c’est là que le drame va commencer.


Au début, on ne sait pas trop. On se dit que « Tiens, quand on utilise des maquettes pour certaines choses, c’est bien d’essayer de les filmer de manière à ce qu’on ait l’impression qu’elles sont à la bonne échelle ». Et puis, on se rend compte que ces maquettes, c’est parce qu’ils ont atterri dans un monde où ils sont tout petits. Notre héros doit mesurer en gros 30cm par rapport aux humains. Lorsqu’on le réalise, tout d’un coup, le titre du film prend une autre signification, et on commence à envisager tout le potentiel nanar (ou navet) de ce qui va suivre. Car à ce moment-là, nous n’en sommes qu’à 20 minutes du film.
Passons sur les facilités : des gens d’une planète lointaine qui parlent la même langue que celle sur laquelle ils arrivent (l’anglais donc) ; des humains qui s’étonnent à peine de croiser d’autres humains qui font 30cm de haut ; le gentil qui va être trouvé par la gentille fille et le méchant, lui, par des méchants dealers de drogue parce que la vie est bien faite quand on fait du cinéma de seconde zone. Intéressons-nous plus à cette différence de taille énorme à mettre en images, surtout quand on n’a pas de pognon. Comme on n’a pas de budget pour faire des scènes remplies de SFX où apparaitrait notre héros de petite taille et ce qui l’entoure en même temps… Comme on est conscient que les quelques CGI qu’on mettra seront bien foireux… Eh bien on fait beaucoup de gros plans sur le héros, ou alors si on veut le filmer de plus loin, on s’arrange pour le filmer seul, proche d’un mur, où dans des décors dans lesquels le spectateur aura du mal à voir cette petite taille. Autant vous dire que le résultat est de manière générale dégueulasse.


C’est dommage car Pyun n’est pas un manche, il l’a déjà prouvé. Certains plans sont très beaux, certaines scènes font très western spaghettis dans leur mise en scène, avec des gros plans sur les visages, les regards en coin, les longs silences. Il y a plein de bonnes idées dans son film, avec un héros qui se retrouve, vu sa taille, confronté à de nouveaux dangers : un cafard, un rat, tout devient rapidement un potentiel péril. Même le message que le film essaie de faire passer en toile de fond, à savoir les quartiers très pauvres qui sont complètement laissés à l’abandon par les forces de l’ordre et le gouvernement et qui se retrouvent sous la houlette des gangs tous plus violents les uns que les autres. Ce n’est pas très original, mais ça a le mérite d’être là.
Mais, outre le manque de budget et ce qui va en découler de scènes visuellement ringardes, le film est plombé par bon nombre de scènes que je qualifierais de « à la con » pour ce genre de film. Des scènes plus intimistes (le dialogue avec le gosse, la discussion sur la famille), qui ne servent ici à rien si ce n’est à rallonger la durée du film sans que cela ne coute trop cher. C’est sans parler des stock-shots venus d’autres films, voire de séries (Buck Rogers au 25ème Siècle), uniquement là pour la même raison. Malgré cela, le film atteint péniblement les 1h22. 1h15 si on enlève le générique de fin reprenant des images du film pour nous faire un topo sur les immenses stars du film. Scénario ridicule, festival de coupes mulet, dialogues nazes, effets spéciaux ringards, et pourtant le tout mélangé donne un résultat final stupide et très fun. Et c’est en ça que je dis que la démarche de Pyun n’est pas forcément opportuniste. C’est que ses films n’ont d’autre but que d’essayer de divertir le spectateur, et c’est ce qu’il va essayer de faire à tout prix, quelles que soient les conditions de tournage, quel que soit l’argent qu’on lui donnera pour mettre ses idées en images.


Albert Pyun a beau s’être fait un nom dans le petit milieu de la série B d’action des années 80/90, ce n’est certainement pas grâce à ce Dollman qui, malgré quelques fulgurances de mise en scène et de bon moments nanars, se voit plombé par de trop grandes ambitions au regard de son budget ridicule.


Critique originale : ICI

cherycok
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le 19 nov. 2018

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