Dollman
5.2
Dollman

Film de Albert Pyun (1991)

Dollman, Albert Pyun, U S. A, 1991, 1 h 22

Sur une histoire [originale] de Charles Brand, également producteur exécutif, puisque c’est une production Full Moon Pictures, « Dollman » est avant tout l’œuvre d’Albert Pyun. Albert Pyun ? me direz-vous. Oui, Albert Pyun, le premier à avoir vraiment mit Jean-Claude Van Damme en scène en 1989 avec « Cyborg ». C’était l’un des réalisateurs fétiches de la Cannon, un expert en série B fauchée. Mais Albert Pyun c’est aussi des polars comme « Post Mortem » avec Charlie Sheen en 1997, où il élucubrait toute sa passion pour le néon.


« Dollman » donc : tout débute sur une planète à dix millions d’années-lumière de la nôtre. Dans ce monde lointain, où les forces de l’ordre ressemblent quand même vachement à une police de Série B, les personnages s’expriment dans un américain impeccable et jouent tous mal, à leur façon. Les décors, ce sont des usines désaffectées, lieux de tournage de prédilection d’Albert Pyun. Si John Ford avait Monument Valley, alors Albert Pyun a les usines désaffectées !


Le spectacle commence avec un véritable festival de gueules, James Woods, Lance Henriksen, Tim Blake Nelson ou bien encore Kurt Russell. Bon, honnêtement, c’est ici une production de Charles Band, donc ce sont plus ou moins des sosies, Tim Thomerson, le Dollman du titre, ressemble vraiment à un parent pauvre de Kurt Russell. Super flic bien Bad ass comme il faut, Bardo aime faire exploser les gens pour qui il a peu de respect. Et par exploser, c’est littéralement explosé en morceaux avec un flingue surpuissant, les méchants pas beaux.


Mais bien entendu, rien ne se déroule comme il le faut, et rapidement le super flic de l’espace se lance dans une course poursuite contre sa némésis, à bord d’un vaisseau pas très bien incrusté. Puis une avalanche d’effets spéciaux moches l’entrainent lui et son ennemi dans une faille intergalactique. Brick se réveille, son vaisseau posé sur une planète étrangère : la Terre. Sauf que…


… arrivé sur la Planète bleue, le superflic intergalactique, hard boiled comme il faut, avec ses lunettes de soleil inamovibles, sa coupe de GI Joe et son gros pétard, et bien il fait la taille d’un Action Man. Et pour couronner le tout, il est arrivé au milieu d’un quartier malfamé du Bronx, où les gangs, la délinquance et la drogue gangrènent les rues.


Le film bascule alors et prend les airs d’un pamphlet social et anticapitaliste, fort d’une critique de fond sur la société américaine et le côté pervers de l’American Dream. Le récit se recentre alors sur Debi, une jeune femme qui élève seule son fils, et lutte activement contre les trafics de drogue dans son quartier, où s’est installée une criminalité particulièrement brutale. Ce fait, par une grande finesse, se traduit par la représentation raciste de gangs stéréotypés, qui disent beaucoup « Pendero ».


Bien entendu, tout ça reste en fond, puisque le film s’en fout, c’est là pour donner un contexte afin de se reconcentrer sur le vrai propos : comment Brick Bardo va s’en sortir avec sa petite taille, dans ce monde géant ? D’autant plus, quand son ennemi de toujours (qui n’est plus qu’une tête volante) est lui aussi sur Terre, mais du côté d’un gang, qu’il manipule pour arriver a ses fins. Petit élément cocasse, le chef du gang en question est interprété par un tout jeune Jackie Earl Haley, dans une performance… vivante…


Sa présence au casting permet aussi de voir que sur l’ensemble de ces petites productions, de temps à autre il y a des artistes qui réussissent à retirer leur épingle du jeu. Et c’est là tout le plaisir de ce genre de film finalement, qui met en avant soit de vieilles stars has been, des sosies et des gens qui possèdent un « faux air de… », ou alors des personnes qui débutent leur carrière comme ils peuvent, et qui finira par avoir de la consistance.


Série B cheap, qui ne parvient jamais à exploiter correctement son concept, « Dollman » se montre heureusement gratuitement gore par moment, en même temps pour une production de la Full Moon, l’inverse eut été décevant. En fait, le problème réside dans l’incapacité du film à raconter correctement une histoire convaincante, et surtout, jamais le Dollman ne semble crédible. Mais, pour sa violence et son cachet de D-T-V tout ce qu’il y a de plus cliché, ça reste quand même marrant à regarder.


Prenant finalement plus part à la comédie, en s’amusant de son concept, le film ne ressemble jamais à une œuvre cohérente et crédible. Ne sachant pas trop dans quel genre il s’avère plus à l’aise, Albert Puyn tente plein de trucs, donnant une forme hybride à l’ensemble. Pour exemple, Brick Bardo qui explosait des mecs sur son monde explose ici des cafards, pour le gag, et en même temps la puissance de frappe de son flingue lui permet [sur Terre] de trouer relativement conséquemment la poitrine des méchants. L’absence de profondeur lors des fusillades rend ces dernières un peu ridicules et achèvent toute possibilité de prendre l’ensemble un minimum au sérieux.


De plus, Charles Band demeure dans un esprit d’exploitation outrancier. Après avoir donné dans la Nazixploitation avec « Puppet Master 3 », il vise ici un genre à la mode en 1991, le In Da Hood Movie. Cette série de production qui s’écoule à peu près entre 1989 et 1997 venait mettre la lumière sur la communauté afro-américaine livrée à elle-même dans les quartiers populaires. Si le quartier ressemble ici aux alentours d’une vieille usine désaffectée (et l’ultime séquence a lieu dans une usine désaffectée), les gangs y sont menés par des blancs qui ont sous leurs ordres des gangsta latinos. Il y a donc une volonté de reproduire, sans comprendre le sens primaire des In Da Hood Movie, au-delà de leur succès commercial.


La scène d’introduction de Debi apparaît en ce sens particulièrement équivoque. Alors qu’elle se montre vindicative envers un dealer, elle est prise à partie par une bande de latinos, qui essayent de la violer en groupe. Le personnage fort de Debie s’avère ainsi vite réduit au simple statut de victime. Mais ça ne s’arrête pas là, puisque l’agression monte crescendo, et les membres du gang lui jettent de l’essence pour lui foutre le feu. Oui, ça escalade très vite. Et elle ne doit sa vie sauve qu’au Dollman. Original.


Production très très bof, même vis-à-vis des standards de la Full Moon, son concept un peu naze ne parvient jamais à convaincre ou à apporter quelque chose au récit. Même si le film essaye de s’ancrer dans une actualité, que visiblement les scénaristes ne connaissent pas, il en résulte un petit actioner pauvre en action. Un peu de S-F, deux ou trois effets gore, une pseudocritique sociale à côté de la plaque, un drame qui aimerait être un western urbain, la direction ne se montre jamais limpide. Alors en tant que spectateur, s’y retrouver… c’est un bordel…


À cela s’ajoute le fait qu’ils n’avaient clairement pas les moyens de leurs ambitions, puisque la notion de poupée autour du Dollman n’apparaît pas si évidente. Entre les tentatives de vue subjective, et les collages ratés sur fond vert, Brick Bardo n’est jamais mis en perspective avec les autres personnages. En plus de rendre difficile l’évaluation de sa taille exacte, ça donne aussi l’impression qu’il n’est pas dans le même métrage que les autres. Ça crée un décalage qui pénalise le film à partir du moment où Brick arrive sur Terre.


Avec sa photographie moche et les effets de lumières douteux (certainement au néon, comme l’affectionne tant Albert Pyun), « Dollman » et son scénario vide, son histoire sans réel et l’absence d’enjeux clairs, se montrent difficiles à apprécier. Si deux ou trois séquences ont du charme, comme celle du début sur la planète de Brick Bardo, très vide, c’est l’ennui qui gagne. Et à la question « Y a-t-il un intérêt à regarder Dollman ? », je répondrais « Non, pas vraiment. ».


Et pour terminer tout ça sur un mode bien sexiste, laissons la parole à Brick Bardo, qui après avoir sauvé Debie se retrouve, plus ou moins, face à elle. Dans une attitude très bad ass de héros de film d’action lambda, il balance :


« So Debie, tell me size doesn't count ! ».


Le Cinéma dames et messieurs !


-Stork._

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le 30 juil. 2021

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