Les feuilles d'automne tombent. Elles fanent avec le temps, qui lui s'étire vers un hiver de mort.
Elles sortent du corps, sont là où le sang se verse. Celui des hommes pleins de remords rattrapés par leurs manquements, leurs vices, qui feront souffrir les femmes. Au beau milieu du récit, deux figures marchent, plus pantins animés que vraiment vivants. Les relations passent aussi vite qu'elles naissent, les amours éclosent moins vite qu'ils ne meurent. Et le temps, lui, tranquillement, les regarde disparaître.
C'est ce que montre Kitano dans ce qui est certainement son film le plus poétique. Servi de ses personnages mutiques, de son Japon silencieux des années 90 - 2000, le tout serti d'un sombre regard. Dolls s'ouvre et se ferme sur l'histoire de l'amour injuste, hautement tragique mais beau dans sa mélancolie de deux amants. Poupées d'un spectacle Bunraku, elles traversent le film dans le corps de ce couple relié par un cordon. Elle tombée dans la folie, lui dans la torpeur, ils arpentent le monde sans s'arrêter, forme de langage unique que maîtrise l'une des deux. Apprendre à se comprendre. C'est la seule clé de l'absolution. Que ce soit dans le merveilleux destin du Yakuza qui retrouve enfin celle qu'il aime avant de répondre de ses actes, ou encore celui du fan de cette chanteuse qui sacrifie son corps et sa vie pour lui parler, tout est rejoint par ce couple de marionnettes. Prisonnières de nos actes, de nos proches, de la force qu'ils exercent sur nous, notre devoir, ces poupées ne sont que le reflet de qui nous sommes vraiment.
Cette errance de l'âme fait corps au cinéma. Dolls sait quand l'abstrait sert à sa narration.
Takeshi Kitano, ou le cinéaste de l'abandon curative. Merci