Juin 2002, John Frankeheimer quitte le projet du prequel à L'Exorciste à cause de problèmes de dos importants avant de mourir un mois plus tard. La production se tourne alors vers Paul Shrader, scénariste de renom ayant longtemps officié pour Martin Scorsese et réalisateur de polars réussis. Un choix pas forcément idéal mais néanmoins en osmose avec une telle entreprise, cet opus se concentrant sur les débuts du Père Merrin au Kenya aux prises avec le démon Pazuzu alors qu'il vient d'abandonner sa foi.
Le film se penche donc sur un traitement plus psychologique que horrifique, devenant une œuvre singulière qui tranche avec les précédents opus. Une excellente idée qui n'a malheureusement pas plu au studio... Car contrairement aux attentes du studio, le film ne contient pas assez d'hémoglobine, ni de vomi, ni de tête qui tourne.
Pas assez spectaculaire pour marcher en salles, ce prequel est selon la firme raté et ne peut tout simplement pas satisfaire les fans du film original, ceux qui espèrent voir les mêmes gimmicks que le film de William Friedkin. Le projet passe donc rapidement dans les mains de Renny Harlin, réalisateur bourrin de films d'action, qui va intégralement retourner le film, ne conservant que l'histoire principale et quelques acteurs (dont Stellan Skarsgård, qui incarne le Père Merrin).
Pourtant, le film maudit réussit tout de même à être finalisé et à sortir un an plus tard dans quelques festivals puis en DVD. Plus ou moins conforme à la vision du metteur en scène, Dominion n'est pourtant pas parfait, en premier lieu à cause d'une post-production qui manque de moyens (les CGI sont encore plus laids que le film de Harlin) mais aussi à cause d'un script maladroit qui ne va pas au bout de son idée initiale.
Un prologue dérangeant où Merrin est confronté à l'horreur humaine dans un camp de concentration et le ton est donné : ça sera un film extrêmement psychologique où notre héros va combattre ses démons intérieurs pour mieux combattre celui qui a investi le corps d'un autochtone (interprété avec surprise par Billy Crawford). Le fantastique reste présent mais est présenté de manière plus sournoise. Hélas, on a l'impression que le réalisateur en oublie son exorcisme, plus préoccupé par les tourments de Merrin et la confrontation entre les autochtones kényans et l'armée britannique.
Le film va là où il veut aller mais prend beaucoup trop son temps pour y parvenir, rendant le final précipité, comme si Shrader réalisait soudainement qu'il lui fallait mettre en scène un exorcisme. Survenu, bâclé et finalement sans impact, ce dernier reste une déception en dépit de bonnes intentions. Ainsi, ce prequel désavoué par les studios reste une curiosité, une vision différente de ce qu'a pu proposer la saga mais au final une œuvre hybride déchirée entre son appartenance à une prestigieuse franchise et la volonté de faire quelque chose d'original basé sur une mythologie fictive intéressante.