Il y a quelque chose d'insondable dans Domino, le dernier De Palma, d'infiniment sympathique malgré l'embarras que peut représenter un tel film mineur, charcuté dit-on et aujourd'hui rejeté par son auteur. Il faut dire que le résultat à l'écran, incompréhensible quand on connait de près ou de loin la filmographie de ce géant des seventies, a tout du naufrage attendu financé par la quasi totalité de l'Europe, De Palma n'existant plus à Hollywood.


Remettons finalement Domino à la place qu'il mérite, celle d'un honnête épisode d'une série européenne qui n'existe pas ou qui aurait pu exister (on pense à Homeland), tenue sur un format d'un peu plus d'une heure qui est aujourd'hui la norme des productions triple A. Simplement, l'intrigue aurait pu ouvrir d'autres tiroirs, plus complexes et mieux écrits, sans doute moins précipités. On aurait apprécié un De Palma évitant l'écueil de sa propre glorification à coups de citations en pagaille piochées dans sa filmographie ou celle des autres, l'ombre d'Hitchcock planant sur chaque situation de vertige ou de suspense dans un marasme visuel évoquant tantôt Almodovar sous acides et un mauvais Argento tentant de faire du bon Argento à la santé de décennies perdues. Techniquement on se situe plutôt du côté de Card Player que d'Opera malgré quelques plans et mouvements d'appareils très propres.


Malgré un ensemble techniquement fauché, embarrassé par des scènes d'action et de combats affligeantes, le film fait sensation lorsqu'il lâche les chevaux à toute allure sur les sentiers du politiquement correct, faisant de sa trame de base (une double enquête menant tout droit à un leader de Daesh) l'exutoire parfait pour mettre en scène l'agitation et l'indignation de De Plama face à ceux qui le rejette aujourd'hui en bloc. Les écrans de vidéosurveillance, le drone survolant une arène de corrida (rappelant l'introduction de Snake Eyes) ou cette caméra greffée à une arme automatique dézinguant tout un parterre de festivaliers pendant une montée des marches sont autant de moyens pour le cinéaste d'exprimer son mépris que des fantaisies jouissives et régressives d'un auteur blacklisté depuis plus de dix ans dans son propre pays. Le charme suranné de la poursuite sur les toits en début de métrage a ce quelque chose de très sixties qui contraste avec l'aspect numérique et froid du film.


Domino, bobine politique bourrée de défauts flagrants reste pourtant aimable : le casting affiche en effet un panache gros comme ça malgré l'abrutissement que représente certaines lignes du scénario. A la manière des grands nanars persuadés que la faute, c'est toujours les autres, Domino expose un sérieux palpable lorsqu'il n'est pas tout simplement fou à lier : il faut voir l'inspecteur de la CIA demander au terroriste de lui passer le sel lors d'une séquence de dîner autour d'une assiette de crudités pour comprendre que finalement, non, tout ceci ne peut pas être sérieux. C'est alors un tout autre film qui se présente sous nos yeux.

XavierChan
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le 16 juin 2020

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XavierChan

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