J'ai lu le pitch, ça m'a plu : un accro au porno qui tombe amoureux d'une fille qui croit au prince charmant.
Le personnage de Jon est posé de façon claire et simple, par ses préoccupations, qu'il nous énonce : ses muscles, ses potes, sa voiture, les femmes, le porno (et la famille et son église, bon...)
C'est peu commun de voir un personnage comme ça dans le rôle principal, et de parler de façon crue et honnête d'un sujet comme le porno, qui plus est illustré avec une générosité qu'on voit peu dans un film qui passe au ciné en France.
Le début de Don Jon adopte un rythme similaire à celui qu’on peut voir dans la BA : tout s’enchaîne rapidement, surtout dans les scènes de clubbing, où le héros et ses deux wingmen matent, notent, et passent d’une femme à une autre sans problème, sans plus de considération que ça. Le rythme m’a évoqué le travail à la chaîne, Jon est un dragueur et baiseur stakhanoviste, pour qui ce qu’il fait devient un automatisme, si bien que ça en perd son sens. D’ailleurs il ne prend pas autant de plaisir à baiser (ou "faire l’amour", si on veut être malhonnête), qu’à se branler devant du porno.
Devenu spécialiste, le personnage nous livre d’ailleurs quelques réflexions amusantes sur le sujet.
On nous fait très explicitement comprendre que le film est anti-comédie romantique, ironiquement le personnage de Scarlett Johansson sort d’une séance au cinéma en disant du héros du film qu’elle vient de voir, "that’s a real man". On l’a compris, on cherche à souligner qu'à l'inverse de ce qu'on voit habituellement au cinéma, les hommes, à divers degrés, pensent de la même façon que Jon. Au moins, lui est honnête : il ne cache pas qu’il veut juste baiser cette fille qu’il vient de rencontrer.
Scarlett joue Barbara, une bimbo au look qui fait un peu pouffe, et l’actrice a d’ailleurs adopté une voix très sirupeuse pour l’occasion. Dans le questions-réponses qui a suivi la projection à laquelle j'ai assisté, Gordon-Levitt parlait du fait qu’il aimait qu’un acteur se transforme, joue un rôle qui ne lui ressemble pas ; de ce côté-là, c’est réussi pour les deux acteurs principaux.
Mais comme je le craignais, Scarlett n’a pas plus à offrir à son personnage que son physique ; non pas qu’elle est mauvaise actrice, mais son personnage est trop creux. Jon est pourtant amoureux d’elle ; qu’il soit seulement obnubilé par sa beauté et se fiche ainsi de sa personnalité, ok, mais qu’on nous montre que Barbara a tout de même une personnalité ! Les seules fois où on peut un peu percevoir qui elle est, c’est lorsqu’elle reproche à Jon de laver son appartement lui-même, et de lui parler d’aspirateurs, "parce que ce n’est pas sexy".
On ne s’attache pas au couple, et donc bien sûr on se fiche de leur sort. Et après l'inévitable séparation, ça traîne, avec plusieurs fois les mêmes conversations tournant autour de "quelle salope, qu'elle aille mourir !", ou encore "quoi, elle t'a quitté à cause du porno ?".
Ce n’est que plus tard que l’on comprend que Barbara n’était pas "l’élue", mais d’ici là, on a passé tellement de temps avec elle qu’on était totalement en droit de croire le contraire, malgré la vanité du personnage.
J’aime l’idée que la fille qu’on croyait être la bonne, dans ce schéma de comédie romantique, soit remplacé par une autre ensuite ; mais j’aime juste l’idée, j'aime moins le traitement. Tout d’un coup Jon s’ouvre aux autres, devient quelqu’un de meilleur, brise la routine qu’il avait établi, etc. La preuve : maintenant il ne va plus à la salle de sport pour faire de la muscu tout seul, mais il va jouer au basket ! C’est vraiment ça la signification de ce plan, qui au départ ressemble à tant d’autres qu’on a vu dans le film lorsque Jon va à la salle de muscu, jusqu'au moment où le personnage change de trajectoire pour aller sur le terrain de basket. Mais qu’on montre un changement chez le héros de cette façon, c’est un peu ridicule.
Du reste, il y a une ou deux idées de mise en scène sympas : ce bruit de corbeille virtuelle qu’on vide à chaque plan d'un mouchoir jeté dans la poubelle ; la transition vidéo porno/nettoyage d’un miroir avec un spray pour les vitres ; cette séquence d’intro qui compile des vidéos diverses, et pas seulement porno, où l’image de la femme est très sexuée (il y a notamment un extrait de Fast times at Ridgemont high, et un de Wrong turn 2, wouh).
Le film traite de la différence entre les attentes, dans le cas présent créées par les media et la fiction (que ce soit le porno ou les comédies romantiques), ... un peu comme dans cette scène géniale en split-screen dans 500 days of Summer. Me concernant, je n’avais pas tellement d’attentes pour Don Jon, mais j’ai tout de même été un peu déçu.
Je n’ai même pas eu le plaisir de rire autant que de nombreux spectateurs, j’ai simplement souri, la plupart du temps.
Joseph Gordon-Levitt a répondu à quelques questions du public après la projection, faisant cela au départ dans un français très correct. Certaines questions et réponses étaient intéressantes, mais putain, pourquoi faut-il qu’à n’importe quel débat dans un cinéma (que ce soit au Grand Rex, ou à UGC, c’est toujours pareil), la traductrice soit aussi mauvaise ?! Cette fois on avait droit à des traductions approximatives et fantaisistes, des informations erronées (naaaan, Fast times at Ridgemont high ce n’est pas de John Hughes, et pas la peine de le répéter trois fois), et en plus elle se permettait de poser 4 questions alors que le public n’avait pas plus de 30mn pour poser les siennes.
Bon au moins c’était mieux qu’à l’avant-première de Gravity, où Cuaron et son co-scénariste étaient juste passés nous souhaiter une bonne projection…
PS : Je suis sûr que je ne suis pas le seul à s'être marré intérieurement lors de la scène où on voit sur Facebook des photos que Scarlett a pris d'elle-même depuis son téléphone.