L’audace certaine manifestée par cette relecture de Don Juan est tout à la fois d’exhiber la pièce de Molière sur les planches d’un théâtre et de parvenir à en faire oublier structures et personnages. Le chant sert alors à exprimer les préoccupations internes, à raccorder le personnel dramatique à sa performance vocale essentielle ; le choix du casting se justifie aussitôt, Serge Bozon s’étant montré sensible à la tessiture de chaque acteur et à leur harmonie lorsqu’ils jouent ensemble. Derrière une telle démarche esthétique se construit un propos audacieux, celui de présenter le séducteur comme le comédien d’un unique rôle auquel il s’accroche de façon désespérée ; face à lui, il trouve une Julie multiple, capable de s’ouvrir à la vie en s’adaptant tel le caméléon. La séquence de dérèglement de tous les sens dans un jardin nocturne ressemble à celle qui refermait Mulholland Drive (David Lynch, 2001) ; un même mystère, un même envoûtement surgissent ou plutôt se confirment après une heure de long métrage qui saisit l’étrangeté des relations entre hommes et femmes sans rechercher l’extravagance ni forcer le trait. En résulte une œuvre originale dont l’imperfection semble coïncider avec le caractère tourmenté de l’un et l’insaisissabilité de l’autre.

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le 11 juin 2022

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