Sorte de miroir inversé des films de Terence Young, Seule dans la nuit, ou du plus réussi Terreur aveugle de Richard Fleischer, Don’t Breathe est un huis clos dans lequel 3 jeunes cambrioleurs sont pris en chasse par le propriétaire aveugle de la maison fractionnée.
D’un point de vue formel c’est plutôt bien mis en scène, la tension fonctionne, d’une part car il y a une attention portée au décor et à la spatialité de la maison, d’autre part car les contraintes d’action liées à la cécité sont plutôt bien respectées : le bruit, la respiration, les odeurs,…
Mais le réalisateur avait matière à faire beaucoup plus effrayant s’il ne s’était pas autocensuré en proposant une vision faussée, infrarouge, lorsque la maison est plongée dans l’obscurité totale, mettant donc sur un même niveau l’aveugle et les voleurs. Pourquoi ne pas faire confiance au cinéma, et au spectateur et lui montrer ce qu’il n’est pas sensé voir. Le film aurait été bien plus fort et angoissant….
Le fond du film lui aussi est décevant. On sent que le cinéaste veut aborder plein de sujets sur l’Amérique, il lance des pistes, mais survole tout sans donner la moindre chair à ce qu’il veut dire. Du coup sont mélangés la guerre en Irak et ses conséquences sur les soldats, la ville de Détroit et sa fraction entre quartiers abandonnés et luxueuses villas, et les conséquences de la société de consommation et la mainmise de l’argent roi. Ca donne des personnages et un décor mais peu d’imbrications entre les éléments.
Il y a malgré tout quelque chose qui me plait dans la façon d’aborder l’argent, comme l’origine du mal et la société consumériste qu’il engendre. Ça se manifeste à différentes échelles ici. Il est l’élément déclencheur : les jeunes cambriolent des riches afin de fuir Détroit vers le soleil californien. Mais l’argent est également décrit comme supérieur aux lois, aux droits, à la justice. SPOILER : l’aveugle se venge du meurtre de sa fille, commis par une fille de riches et qui a évité la prison en achetant le silence de l’aveugle. Enfin l’argent donne toute l’ambiguïté à la fin du film et trouble tous les éléments, permettant surtout de détourner le point de vue initial du cinéaste, placé clairement du côté des assaillants plutôt que de l’assailli, créant une empathie assez déplaisante avec eux. Le final redistribue les cartes et les billets. L’aveugle redevient le héros de guerre qui s’est protégé chez lui de ses agresseurs aux yeux de la justice, laissant filer la fille avec le pognon, achetant ainsi son silence.
L’argent a triomphé, les salauds sont tous sauvés.