En général, je ne m'attache pas du tout au contenu idéologique ou à la thèse d'un film pour décider s'il me plaît ou non, c'est une question que je trouve très secondaire, puisque même lorsqu'un film me semble idéologiquement contestable mais qu'il arrive néanmoins à m'embarquer dans son univers, à m'y faire croire, à m'y investir, je considère que le contrat est rempli sans avoir besoin d'y plaquer une grille de lecture moralisatrice .
Si par exemple j'ai détesté "Naissance d'une nation", c'est pas du tout parce que c'était un film à la gloire du K.K.K. où les noirs étaient représentés comme des singes (même si ça n'aide pas), c'est avant tout parce que j'avais trouvé le film absolument interminable et complètement soporifique (et évidemment le regard contemporain fausse l'expérience, même si pour contourner ce biais on peut comparer avec des oeuvres d'époque qui nous parlent plus).
Là, ce qui me trouble, c'est qu'on sent qu'on cherche à nous asséner un discours/un regard critique sur notre monde actuel, mais je ne comprends strictement rien au point de vue qui me semble dire à la fois tout et son contraire (un peu le syndrome "American Sniper" où tout le monde peut l'interpréter comme il l'entend), et par effet domino ça fout en l'air les ressorts de la narration, ce qui pour le coup est vraiment problématique.
On a une espèce de caricature lourdingue type "Idiocracy" (mais qui était un bien meilleur film) des réseaux sociaux, des famoso "complotistes", des beaufs blancs cisgenres (manifestement d'extrême droite) quasi-trumpien mais qui vénèrent une femme présidente qui semble plus être du côté d'Hillary Clinton. Mais ça ne colle pas parce qu'on nous parle effectivement d'un complot mondial où les politiques s'associent avec un industriel mégalo type Steve Jobs (Excellente performance de Mark Rylance) pour cacher la catastrophe à venir, et essayer de monter un plan diabolique pour en faire un juteux business. Bref on se moque des complotistes, quand un complot existe pourtant !?
On nous explique que les comploteurs n'en sont pas vraiment et qu'ils sont surtout débiles et inconséquents, mais en même temps ils ont un plan de sf de l'espace pour construire un vaisseau du turfu pour pouvoir se cryogéniser et revenir des milliers d'années plus tard sur une planète revenue à l'état de nature et vidée des hommes.
Bref, c'est un bordel innommable, où tu sens que les mecs sont complètement paumés pour réussir à te décrire correctement le monde actuel, ses implications, ses enjeux. Est-ce simplement dû à un manque de recul sur notre époque ? Possible, parce que McKay est loin d'être un manchot et un crétin, et je trouvais par exemple son "Vice" absolument excellent, drôle, assez subtil et surtout vraiment maîtrisé.
Ou est-ce un symptôme du chaos généré par notre époque extrêmement difficile à analyser, où le vrai et le faux se mélangent constamment dans toutes les sphères ? Un peu le sentiment que j'ai eu avec Matrix 4, où le discours sur le monde actuel est tellement embrouillé, pas clair, schizophrène (Le perso de Lambert Wilson représentant un facho réac d'extrême droite clochardisant "c'était mieux avant", surnommé le morveux dans une scène bien ridicule, alors que le film lui-même n'arrête pas de nous rappeler qu'effectivement tout était mieux avant, à commencer par le film d'origine, pour finir par conclure dans une scène post-générique que le cinéma est mort).
Le degré de confusion mentale me paraît profond.
Le pire ici c'est peut-être le traitement très foireux du personnage de Dicaprio qui avait pourtant tout pour être intéressant et symptomatique des errances contemporaines.
Un scientifique sérieux (j'aime beaucoup à ce sujet le cosplay Régis Laspalès de Léo, avec son cheveu gras et sa barbe épaisse bien dégueulasse), qui fait une découverte capitale, et qui va se faire dévorer par le système médiatique qui va le transformer en vendu de premier ordre.
Les séquences avec Cate Blanchett, dans le rôle d'une présentatrice potiche mais vorace sont tout à fait sympathiques (avec en amorce un cheminement un peu façon "le loup de wall street" ou un noname découvre la grande vie, et plante sa première femme).
On aurait pu avoir un récit de perdition intéressant, mais là, sans véritable logique narrative, le personnage saute d'un camp à l'autre abruptement, sans qu'on ne comprenne rien à l'évolution aléatoire de ses motivations (par exemple : la scène où il pète un câble sur le plateau tv ne fonctionne pas du tout, car elle n'est absolument pas préparée en amont, il n'y a aucune montée en pression du personnage, et là où l'on voit que c'est mal écrit, c'est que ça doublonne littéralement avec une séquence identique avec Jennifer Lawrence au début du film).
Tous les personnages secondaires sont particulièrement inexistants, et on ressent fortement l'aspect défilé de guest stars (vraiment à quoi sert Chalamet là-dedans ?).
Reste le ressenti d'un film brouillon (et je postule que c'est d'abord la faute d'un point de vue initialement brouillon), sans maîtrise, beaucoup trop long, peu inspiré et pire que tout... Franchement pas drôle.