Dire que Loznitsa excelle dans l'art de retranscrire le chaos de la guerre n'est pas un compliment, même si ça y ressemble. En effet, il semble plutôt vouloir s'intéresser à la guerre cependant que le chaos règne d'abord dans son cerveau qui nous rend cet amalgame bariolé, à la fois dense et creux, indigeste quoique lourd de sens.
Ce qui nous saute aux yeux avant tout, c'est l'absence de fil conducteur: certes à travers la technique (parfois utilisée, mais pas systématiquement) des personnages secondaires que la caméra suit et qui deviennent personnages principaux de la scène suivante, il parvient parfois à construire une syntaxe quelque peu cohérente. Néanmoins c'est surtout le thème (la guerre) et le lieu unique (le Donbass) qui assurent la cohésion du propos, éléments sans lesquels tout ne serait que matière informe.
Le recours au plan séquence, bien trop artificiel (rappelant par ailleurs l'aussi invraisemblable Birdman) ne parvient jamais à atténuer ce sentiment de confusion. Bien au contraire, il y participe, l'induit et le met en scène. De même l'assemblage hétéroclite de scènes (souvent si vaines) allié aux envolées baroques et absurdes déroutantes des personnages (ne menant pas toujours à quelque chose de signifiant) enferment définitivement le film dans une esthétique (volontaire?) du chaos.
Paradoxalement, malgré l'abondance, l'excès, l'hubris mises en scène par Loznista, il tient un discours univoque, à sens unique, sans nuance ni subtilité, pauvre en point de vue. Son film souffre par conséquent d'un manque cruel d'ouverture, de richesse discursive et finit par se parler à lui-même, devenant auto-référentiel à travers les pesantes mises en abîme.
En résumé, Donbass renie ses apparentes ambitions documentaires en refusant l'objectivité de la caméra et nous trimballe de gauche à droite pour nous montrer sa vision unilatérale d'une guerre opposant pourtant deux camps.