Ce sujet inspiré du récit autobiographique de Joe Pistone, un véritable flic des années 70 infiltré chez les mafieux, avait tout pour inspirer un Scorsese ou un De Palma, mais c'est étrangement le British Mike Newell qui le réalise, en saisissant à merveille la vitalité des personnages et le caractère tragi-comique de certaines situations. Ce n'est en effet pas un film de gangsters classique dans le sens où l'intrigue n'est pas rythmée par les figures imposées de ce type de films (règlements de comptes, meurtres sanglants, poursuites, actes violents...). Ici, c'est les états d' âme du héros, tiraillé entre le désir de mener à bien sa mission et la nécessité de s'occuper de sa famille, qui font avancer l'histoire, il est tellement infiltré qu'il se demande qui il est.
Le sujet prenait le risque de lasser le public car il a été très souvent rebattu ; des flics infiltrés, on en a vu partout même dans les séries TV, je me souviens d'une excellente série des années 80, Un flic dans la mafia qui avait basé tous ses épisodes (avec des arcs) sur cette base. Ce polar repose donc avant tout sur la densité d'un extraordinaire face à face Pacino/Depp, relayé par les autres acteurs comme Michael Madsen, Anne Heche, Bruno Kirby ou James Russo. Depp étant un acteur pour lequel je n'éprouve aucune empathie, j'avoue qu'il m'a surpris ici, car il est excellent tout en émotion contenue et capable de faire passer les tourments qui l'habitent d'un simple regard. Pacino quant à lui, n'avait déjà plus rien à prouver, il est remarquable en petit truand frustré.
Une belle réussite qui se veut sombre et grave parfois, à mi-chemin des films de Scorsese et de Serpico, où l'aspect vécu donne de la profondeur.