Je ne m'y serais pas pris autrement pour parler du monde du livre et de l'édition d'aujourd'hui. C'est parfait. Tout y est pertinent : la maison d'édition se résume à deux personnes (on en aperçoit quelques autres à un moment donné) dont une seule lit une seule fois, sur un iPad géant la lumière à fond - chiche de tenir plus de cinq minutes ; d'ailleurs, l'édition se résume à l'édition de romans/autofictions (l'auteur découvre les livres de coloriage à la fin du film, peut-être n'a-t-il jamais ouvert de manuel scolaire ou de guide de voyage de sa vie, pour ne citer que quelques exemples) ; le numérique, ça coûte que dalle à produire il n'y a plus de logistique (les epubs se fabriquent tout seuls, se distribuent par la grâce de Dieu et se diffusent "par les réseaux" en paillettes web gratis) mais de toute façon l'ebook est mort c'est les États-Unis qui le disent, l'ebook c'est juste un livre moins cher (zéro problème de DRM ou de piratage, c'est juste la braderie) ; avec la famille, les amis, les amant.e.s (tous du milieu faudrait pas trop s'éparpiller), c'est grands débats tous les soirs, dans des fauteuils sans coussin, en grignotant une quiche sur un bout de mur - c'est aussi grands débats tout frais cuités sortis de la couette à coup de citations cherchées au-delà de la culture générale, mais quand même on va éviter de parler de l'auto-édition ça tuerait trop le film ; ah oui et puis comme l'édition ça paye un max on habite tous dans des apparts immenses à Paris mais attention, ils sont couverts de livres, la caution artistique est là ; on est perpétuellement estomaqué du fait que l'on lit sur smartphone ou sur liseuse (mais prennent-ils les transports en commun, j'en doute) ; lors des débats organisés avec les auteurs dans les librairies, il y a toujours des gens pour faire des remarques désobligeantes sans que le modérateur n'y trouve rien à redire et enfin, comme chacun le sait, les bonnes couvertures sont les plus laides et les auteurs ne vont JAMAIS regarder sur les réseaux si on parle d'eux ou de leurs livres. Toute cette technologie, ça ne les intéresse pas - ils doivent continuer à écrire à la plume et penser que Google Livres ne présentera jamais un extrait de leur production (qui a parlé d'un contrat avec une édition numérique ?). Quant à la réalisation... la mise en scène est théâtrale et les textes sont crachés à la mitraillette, aucun temps de respiration pour laisser au spectateur l'occasion de réfléchir un peu aux échanges et même un fondu au noir qui accentue le côté vieilli du film. A force de vouloir tout traiter en oubliant l'essentiel (un livre, c'est quelqu'un qui écrit, un livre, ça se retravaille, un livre, c'est une équipe qui se met en branle pour couvrir tous les aspects de la fabrication jusqu'à la commercialisation et la diffusion en passant par la distribution) on noie le poisson et c'est dommage.
Julie, distributrice de livres numériques de métier et éditrice de hobby