1943, la France se fredonne Douce avec un petit concentré de ce qui se faisait de mieux comme cinéma sous l’occupation : Claude Autant-Lara filmant Odette Joyeux déclamant du Aurenche et Bost et photographiée amoureusement (déjà !) par Philippe Agostini…

Noël 1887, petit délice de reconstitution, plaisir d’une Tour Eiffel bas de l’étage lors du travelling inaugural sous la neige, l’installation d’un ascenseur, l’aristocratie déclinante et sa valetaille arriviste, une admirable vieille comtesse et une charmante petite fille amoureuse du métayer amoureux de la dame de compagnie comme le comte à la jambe de bois, ça s’annonce chouette comme tout.

Il faut admettre que le film prenne son temps à s’installer, que dans un casting inégal, les dialogues très écrits ne sont pas toujours servis au mieux et surtout que le petite jeunette qui devrait à peine flirter avec les seize ans en même temps qu’avec le bellâtre fadasse se trouve en fait plus près d’atteindre le double et dépasse même en nombre de printemps sa rivale de gouvernante…

Mais baste ! Odette nous ferait croire à n’importe quoi, un petit mouvement des cils, une lèvre inférieur plus humide qu’à l’accoutumée et voilà que le personnage bouleverse comme rarement, emportant le film vers quelque chose qui dépasse même la féroce satire de ce bon vieux bougon de Claude.
Et le misanthrope sensible s’en est donné à cœur joie, utilisant la drolatique et teigneuse Marguerite Moreno dans des scènes tellement massacrantes que Vichy préfèrera couper court à certains débordements particulièrement jouissifs envers ces salauds de pauvres qui n’en demandaient pas tant.

Les décors à la Ophuls, le plaisir un peu théâtral des bons mots acides et la manière un peu désuète de les rendre ne dois pas distraire le regard du spectateur gourmand de ce qui transpire finalement du film : un concentré d’humanité brut et tranchant comme un diamant noir qui se serait caché trop longtemps au fond des yeux d’une jolie femme.
Torpenn
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le 20 déc. 2014

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