C'est l'histoire d'un type un peu paumé qui s'abandonne à lui-même, comme tant d'autres. On y contemple son laisser-aller, son air un peu couillon, son attitude par trop naïve, trop jeune, en pleine construction identitaire...
Comme dans Le libre arbitre, il est question de judo, et donc de self-defense, mais le plus important c'est que le réal fait aussi état des tabous de notre société et s'en sert comme gouvernail d'une destinée placée sous une mauvaise étoile. S'y côtoient l'exhibitionnisme (les sexes sont montrés sans pudeur), les parties à 3, l'alcoolisme, l'anorexie, les dérives du sport professionnel... Pute ? Pas tant que ça... Évidemment, on n'échappe pas vraiment à l'écueil des plans « chocs » faciles avec ces thèmes, mais leur traitement est assez subtil pour ne pas en faire un porno social du plus abject et dénué d'intérêt.
Parmi le lard, la copine du brave type est une belle caricature de la nymphomane ascendant libertaire bobo-cool filière ES. Pour rattraper le tir, les échanges sont communément réalistes, même si certaines exclamations et sursauts de discours sonnent faux, école de l'amateurisme théâtral oblige, on parle bien de comédie « françoise ».
La réalisation est sobre, sans effets superfétatoires, et laisse la part belle aux émotions extérieures et sous-cutanées. De ce côté-là, rien à reprocher, donc, mais rien à saluer non plus.
Mais revenons à ce mec un peu con. Pas très dégourdi, il découvre un peu trop tard que prêter sa meuf, c'est pas bien, ça rend jaloux, et ça n'attire que des ennuis, en plus de filer de l'urticaire. Et là, je vous ai tout dit. Plus besoin de voir le film ; magnifique non ? « Ouh l'enfoiré ! Arrête de spoiler » !
Tout ce ramdam de comédie adolescente déliquescente est arrangé de manière à mobiliser l'empathie du spectateur. Pourtant, j'ai du mal à m'y résoudre tant ce mec ressemble au cliché du banlieusard et/ou fils d'ouvrier neuneu au possible. Rien d'autre qu'une vision bien middle-class/upper-class de la France d'en bas, celle de la plus crapoteuse, du bas-peuple qui éructe dans la mélasse avec des rêves petit-bourgeois instruits par la télé et la BM du voisin d'en face, toutefois sur un modèle moins outrancier et « tiré d'une histoire vraie » que Bas-Fonds.
Le problème c'est que la copie ressemble un peu trop aux petits films de la belle société qui veut faire du Woody Allen en culotte courte, où les amours d'adolescence peuvent parfois tourner à l'orgie dans une effervescence de phéromones et de testostérone, juste pour se donner un caché cradingue et gaucho.
Fondamentalement, même si j'en fais des tonnes, ce n'est pas un film auquel on peut jeter la pierre. Dans ses moyens, il peut paraître détestable, mais ses fins sont honorables, ne serait-ce que par l'envie de transmettre des valeurs universelles connues et ignorées de tous, mais rappelées avec force par cette démonstration de l'Art cinématographique. Afin, finalement, de signifier que la vie n'est pas un long fleuve tranquille tout blanc ou tout noir, autrement dit que la recherche du bonheur sous toutes ses formes (amour, accomplissement personnel, ataraxie) est longue et tumultueuse, et comporte ses déboires. Mais c'est justement parce qu'il comporte ces ambitions et qu'il prétend s'élever au-dessus de la masse qu'il est d'autant plus dommage de constater qu'il est tiré vers le bas... La vie abîme, on le sait, et le cinéma se charge de nous le rappeler, avec plus ou moins de succès.