C’est l’adaptation de la bande dessinée « Dounia » (2021) conçue par la réalisatrice, originaire d’Alep en Syrie dont c’est le 1er film et par André Kadi, également auteur de bandes-dessinées et vivant au Québec. Une vraie réussite qui montre qu’on peut parler d’un sujet grave (vraisemblablement en grande partie autobiographique) et douloureux (sur 20 millions de Syriens, 6,6 ont fui leurs pays depuis 2011) sans être, ni plombant, ni misérabiliste. Dounia (= le monde, en arabe), 5 ans, dont la mère, Leila, est morte à l’accouchement, doit quitter Alep, car sa maison a été bombardée pendant la guerre civile, en compagnie de ses grands-parents qui l’ont élevée (son père a été arrêté par des miliciens du régime). Elle est accompagnée de voisins, une mère chrétienne et sa fille (souhaitant rejoindre l’Allemagne) et un homme épicier, sa femme et leur bébé (souhaitant rejoindre la Suède) et auxquels se joint un joueur d’oud, Joan. A la recherche d’une nouvelle maison, Dounia a emporté des graines de nigelle (baraké, en arabe) aux propriétés magiques et voyage sous la protection de la princesse d’Alep, double de sa mère défunte. Après diverses pérégrinations (frontière turque, port d’Izmir, Grèce après avoir navigué sur un Zodiac, camp de réfugiés à la frontière de la Macédoine et Budapest), le souhait de Dounia est exaucé et elle est accueillie avec ses grands-parents par un couple de Québécois qui a construit une maison. Le recours à l’animation et au conte permet de filtrer sans occulter la réalité et de montrer qu’il y a des exils réussis. Le film se démarque d’autres films d’animation [« Parvana, une enfance en Afghanistan » (2017) de Nora Twomey ou « Wardi » (2019) de Mats Grorud au Liban] car la réalité est vue à travers les yeux de Dounia. Il bénéficie d’un graphisme coloré, façon aquarelle et d’une musique orientale entrainante.