Benjamin Biolay est un journaliste qui traîne son spleen à la recherche d'une gauche qu'il a perdue de vue. À la fin, il se suicide en disant qu'il retourne à Levallois. Christophe Barbier est un journaliste opportuniste qui joue comme un pied. À la fin, sa femme lui dit qu'il a l'air d'un con avec son écharpe rouge.
Bon, en deux mots, c'est l'histoire de deux mecs insupportables dont la vie ne tourne inexplicablement qu'autour de la vie politique française. La principale caractéristique de ces personnages, c'est qu'ils sont une putain de caricature des Parisiens (ronchons, égocentriques, toujours à étaler leur culture, méprisants, dans l'entresoi) et que le film en devient le maître-étalon du film d'auteur parisien qui se déroule dans des appartements. À chaque fois qu'ils se voient (car ils sont meilleurs amis, ils le disent toutes les cinq minutes, alors qu'ils peuvent pas se blairer, c'est le seul truc réaliste du film dans la description des Parisiens) et vas-y que ça commente les faits politiques du moment. Le film se déroule entre le début des élections présidentielles de 2007 et la fin de celles de 2012. Et TOUT se rapporte à ça. Hé regarde, j'ai fait un plat corrézien en hommage à François Hollande ! Hé écoute, ma femme s'est barrée parce qu'elle est bouleversée par l'arrestation de DSK ! Woh putain.
Du coup, zéro enjeux, zéro progression de l'intrigue, juste une succession de saynètes imbuvables qui permet un voyage dans le temps qui n'était pas franchement nécessaire. Sur la forme, on est souvent sur des plans serrés et des monologues sans queue ni tête. Quel bonheur de voir Benjamin Biolay déblatérer sur l'inutilité des rideaux ou Christophe Barbier s'enthousiasmer parce que sa femme est née en mai 68 ! En vrai, le projet se casse la gueule surtout parce que finalement ça ne vole pas haut. Faire un film politique, pourquoi pas, mais il aurait fallu aller plus loin que "ohlala, Sarkozy quand il cité Léon Blum, ça m'a mis les poils" ou "quand même, Anne Sinclair, quel courage". En gros, c'est de la politique sous le prisme du fait divers, du culte de la personnalité, du journalisme bas-de-gamme. Pas étonnant quand on voit que Christophe Barbier est au casting et que la réalisatrice est son épouse (son unique film d'ailleurs, étonnant).
"Doutes" est donc très chiant. Néanmoins, il reste quelques solides morceaux de bravoure pour le chasseur de nanar aguerri. En l'occurrence, les rôles masculins sont terribles de fausseté (les actrices paraissent presque pas mal, en comparaison). Barbier qui imite Sarkozy, Biolay dévasté par l'affaire DSK (c'est un "fukushima") et en général il est dévasté pendant tout le film. Et enfin, les dialogues sont souvent un avant-goût de l'écriture de ChatGPT quand on lui demande de raconter une blague.
"Tu n'oublieras pas de saler, en cuisine aussi, tu fais ça très bien, de mettre ton petit grain de sel !
- Qu'est-ce qu'on mange ?
- Poule au pot !
- Je dois me sentir visée ?
- J'ai toujours salué ta grande acuité de jugement, ta suprême lucidité et ton goût du calembour douteux. Tiens regarde, on a un problème avec le pot... 'fin le Paul."