Il n'est pas aisé de réellement comprendre ce qui passionne dans ce fameux "12 Hommes en Colère", l'un des films préférés des cinéphiles de tout poil de par le monde. Si on l'analyse froidement, on a droit à un huis clos complètement théâtral, un scénario de polar assez artificiel et creux, un plaidoyer juste mais quand même assez consensuel pour un fonctionnement objectif de la justice dans une démocratie (assortie d'une condamnation voilée de la peine capitale à laquelle on ne peut que souscrire), et surtout un déroulement totalement prévisible laissant un arrière-goût de démonstration truquée. Et pourtant, pourtant, la "mécanique de précision" de la mise en scène en scène de Lumet - dont c'était le premier film (incroyable !) -, retournant en faveur du film toutes les contraintes physiques du huis clos, la force de l'interprétation de chacun des douze acteurs, et le regard foudroyant d'un Fonda hiératique et presque effrayant, élèvent "12 Hommes en Colère" vers les sommets de l'expérience cinématographique : ce spectacle, a priori presque austère, de la circulation de la parole et de son impact sur l'individu et sur le groupe - et partant, sur toute la société - provoque peu à peu chez son spectateur une sorte d'épiphanie (assez galvanisante, il faut l'avouer…) du langage et de la confrontation. C'est certainement là l'indécidable secret de la fascination qu'il exerce durablement en dépit de son artificialité. [Critique écrite en 2016]