C’est une question que vous vous poserez très certainement si vous allez voir le film de ce tout nouveau réalisateur, Sydney Lumet. Vous avez sans doute déjà vu cette histoire saisissante de ces 12 jurés confrontés à une dure tâche: rendre le verdict pour une affaire de parricide. Cet huis clos extrêmement bien ficelé, sorti depuis peu sur nos écrans en cette année 1957, présente plusieurs atouts majeurs, comme ces 12 acteurs interprétant à merveille leur rôle de jurés. Nous pouvons citer Martin Balsam qui a fait une apparition dans Sur le quai aux côtés de Marlon Brando il y a trois ans, défendant son rôle de contremaitre avec talent, ou Lee J. Cobb, dans le rôle du juré colérique. Mais le prix de la meilleure interprétation revient malgré tout à notre acteur vedette Henry Fonda, le juré numéro 8. Il joue le personnage déterminant de l’histoire, un héros qui changera peut-être le destin d’un accusé. Il sera difficile à présent de l’imaginer dans le rôle d’un quelconque bandit ou truand.
Tout dans ce film a sa place, notamment une certaine lourdeur de cette terrible responsabilité que les jurés préfèrent fuir, intensifiée par la chaleur oppressante de la journée la plus ardente de l’année et par ce ventilateur en panne. Les tensions montent peu à peu, marquées par l’arrivée de cet orage tant attendu pour enfin apaiser cette chaleur. Chaque personnage préfèrerait être ailleurs, dans son bureau, chez lui, ou même à un match de baseball, tout pour éviter cette lourde tâche dans cet endroit plus que désagréable. C’est une évidence, l’accusé est coupable. Mais avec une intervention du juré numéro 8, les 12 hommes vont peu à peu découvrir que toutes ces preuves accablantes ne sont peut-être pas aussi irréfutables qu’elles en ont l’air.
L’image a une très grande importance. Au fur et à mesure que le doute s’installe dans l’esprit des jurés, le plan des visages grossit, ce qui donne une forme de faiblesse dans le jugement. Il y a plusieurs plans enrobant les douze personnages, soit autour de la table, soit face caméra, ou encore tous le dos tourné. Ceci montre que cette décision doit être unanime et qu’ils forment avant tout une équipe, en accord ou non, devant faire un grave choix : envoyer un homme sur la chaise électrique ou non. Les objets sont aussi présentés en gros plan, le couteau, le ventilateur, accentuant leur gravité sur le cours de l’histoire. L’image et le décor sont assez sombre, ce qui présente le lieu comme agaçant et pénible. Henry Fonda est particulièrement clair, ce qui l’envoie à la place du héros et qui rend son esprit encore plus net.
Les costumes des douze personnages sont identiques ; chemise blanche, cravate, ce qui les place tous au même rang. Cependant les divergences dans les costumes montrent une certaine différence d’esprit de chacun d’eux, ce qui inclue le probable manque de neutralité de leur jugement, et plus globalement, de la justice américaine. En effet, en dehors des preuves présentées, chaque juré a déjà sa petite idée sur la question. Ceci fait de ce film une critique sur notre société et une traite contre un mal encore bien présent dans notre pays, le racisme. En effet, tous les personnages sont blancs, typiques du rêve américain. L’accusé lui est d’origine étrangère, un fort désavantage qui risque de lui être fatal. Quelques jurés ont bien des préjugés envers cet incriminé, de par ses origines, mais aussi de par son jeune âge. Ceci montre aussi une certaine impartialité de la justice américaine.
12 hommes en colère est nommé aux Oscars du meilleur film, au festival de Berlin et aux Golden Globes. Une valeur sure qu’il faut sans plus attendre aller voir.
DOMAIRON
Léo