Je ne connaissais pas ce film. Ça y est, c'est dit. Quelqu'un un jour m'a dit qu'il était top, donc je l'ai regardé. C'était il y a quelques mois maintenant. Depuis, j'ai découvert SensCritique. Depuis, je m'amuse parfois à parcourir les avis, souvent les négatifs, et à essayer de les comprendre. Et là, je vois que beaucoup ne comprennent pas pourquoi il est dans les premières marches de ce top.
Cette précision, bien que hors sujet, explique peut-être en partie ma note. Ne le connaissant pas, je ne pouvais partir avec un quelconque a priori. C'est d'ailleurs la meilleure façon d'aborder un film, mais qui malheureusement ne dépend pas toujours de nous.
Quand je (re)vois des vieux films, je me dis que nos acteurs d'aujourd'hui n'ont pas le talent de leurs ainés. Je repense à Fernandel et à son "Tout condamné à mort aura la tête tranchée", ou encore plus récemment à Alexandre Astier qui défend l'idée que devant une caméra, on ne fait que faire ce que l'on sait faire alors que l'on apprend le métier d'acteur au théâtre. Et c'est vrai, celui-ci n'offre pas la possibilité de faire des petites scènes à répliques, de se reposer ou de se reprendre en cas d'erreur. Il est plus punitif et direct, il demande à l'acteur de sortit à chaque représentation son meilleur jeu. 12 hommes en colère est un film, mais il pourrait se voir au théâtre. Outre l'aspect huit-clos, les acteurs jouent des scènes longues et donnent l'impression d'avoir tourné ce film en une fois et de l'avoir directement mis en boite. Vraiment, alors que nous sommes à l'heure des plans qui ne tiennent pas en place et de la volonté d'en changer toutes les trois secondes, ça fait du bien. Ici, les acteurs peuvent montrer tout leur savoir-faire, et il y a peu d'impair.
L'aspect du film qui parle de la difficulté de rendre la justice est intéressant, bien qu'il enfonce des portes ouvertes. Le côté "peine de mort" n'est pour moi qu'une manière de rendre plus sérieuses les conséquences du verdict, et ainsi d'impliquer davantage le spectateur dans la tension de cette décision. Que ce soit pour un vol à l'étalage ou pour un meurtre, toute justice devrait être menée avec la même rigueur. Mais soit, ici l'enjeu est important, et parler de la peine de mort ne peut pas faire de mal. En revanche, la principale thématique de ce film est bien plus intéressante. Elle met en scène un homme seul contre-tous, qui défend courageusement ces principes alors même qu'il n'est pas fondamentalement opposé au verdict de ces pairs. Il défend le principe du "doute légitime", qui est négligemment balayé par les autres jurés. C'est un formidable film sur la volonté et la rhétorique, et sur l'idée qu'une seule personne peut par force de caractère et de réflexion changer les choses.
Bon, d'accord, ça c'est le synopsis. Et sur ce point, 12 hommes en colère est vraiment réussi. Il y a encore un autre discours dans cette œuvre: celui des préjugés ancrés et du manque de recul sur soi-même. Chaque personnage a sa propre personnalité bien distincte. Si cet aspect est agréable pour traiter d'un ensemble de sous-sujet, j'ai cependant trouvé qu'il rendait les protagonistes un peu caricaturaux. Le méchant riche, l'aigri, le prolo, le lâche, le rigolo qui s'en fout, le courageux etc. Cela provoque un manque d'empathie pour tous, sauf pour le premier rebelle, qui porte tout ce que la morale nous dicte. C'est un problème qui trouve son apogée à la fin de l'histoire, lors des pleurs peu crédibles de notre aigri qui a enfin accepté sa peine parce qu'il s'est retrouvé acculé. Il y a, dans cette fin, quelque chose au pire de pas crédible, au mieux de navrante. On peut y croire, mais le personnage en devient si pathétique, avec tous les autres si imbus d'eux-mêmes que là encore, aucune possibilité d'empathie profonde.
Les preuves maintenant. D'accord, le but principal ne semble pas être une critique de la justice. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas étoffer un peu le fond du sujet délibéré. Au début, je me suis demandé comment notre ardent défenseur de la justice allait pouvoir remettre en cause les preuves tant celles-ci semblent accablante. Et puis, on en apprend de plus en plus, à tel point qu'on se demande comment les autres ont pu sans l'ombre d'un doute voter coupable. On pourrait dire qu'on s'est fait avoir par la rhétorique de l'homme en blanc, ou que comme les autres nous avons été trop prompts au jugement. Mais non, parce que nous ne disposions pas du dossier complet. Ainsi, Henry Fonda sort de son chapeau tout un tas de "contre-preuve" aussi facilement que si l'histoire avait été écrite pour qu'il puisse le faire (Oui, c'est le cas, mais j'aurais aimé l'oublié). Et quand je dis "sort de son chapeau", je ne suis pas loin de l'utiliser au premier degré. Le coup du couteau, instant magistralement amené, a un côté grotesque. Le couteau du meurtrier jugé unique qu'un juré trouve presque par hasard dans une boutique à côté du meurtre. J'ai vraiment eu du mal à croire à ce passage. Seulement, c'est l'un, si ce n'est le moment où sa démonstration est la plus forte. Dommage donc.
12 hommes en colère est un film à voir, qui mérite probablement sa place dans des classements des plus grands films. J'ai adoré le voir, adoré le jeu d'acteur, adoré que soit bien géré le huis-clos. Mais je regrette les protagonistes un peu trop caricaturaux et le fond du procès qui aurait mérité d'être plus soigné. J'ai vraiment pris du plaisir à voir ce film, mais il y manque ce petit quelque chose d'exceptionnel pour qu'il me laisse une trace indélébile.