Même si je ne n’envisageais pas Downsizing comme LE film de l’année, j’étais curieux de voir le nouveau film d’Alexander Payne (qui n’est pas n’importe qui) et dont le pitch avait au moins l’air rigolo.
J’ai donc été déçu, et triplement surpris, de voir comment ce film gâche son potentiel.
1) Le ton
Alors que je m’attendais à un film qui assumerait sa part burlesque, loufoque, puisqu’il est tout de même question de miniaturisation d’humains, celui-ci décide de se prendre au sérieux.
Pourquoi pas : j’aime les films qui osent prendre à contre-pied les attentes du spectateur, si cela est bien mené. Et puis, le ton sérieux du film offre la possibilité d’exprimer une ironie plus subtile.
Dès lors, le choix de la pellicule (au du moins le rendu pellicule – aujourd’hui, on ne sait jamais…) évoque une certaine esthétique, celle de l’exploration sensible d’un drame humain ; et au contraire la précision et la froideur de la mise en scène lors des scènes médicales accompagnées en contrepoint par de la musique symphonique tendent vers l’idée d’une déshumanisation…
Ces idées esthétiques, si elles avaient été creusées, auraient pu être intéressantes ; mais finalement, ce que l’on regrette, ce sont toutes les possibilités formelles, le jeu avec les différentes échelles, qui sont très peu exploitées, puisque le film refuse d’être baroque et fantaisiste. Il y avait pourtant de quoi nourrir de beaux délires visuels, de s’y amuser : même le petit moment psychédélique est trop timide. A quelques rares moments, le film est drôle et vertigineux, lors du court show entre Neil Patrick Harris et Laura Dern tous les deux miniaturisés.
Dommage que le film n’aille pas plus loin, donc.
2) Les idées
Le plus décevant avec ce film, c’est peut-être que cet esprit de sérieux ne sert même pas un propos et des idées intéressants.
Il y a certes l’idée de la ségrégation et du traitement des minorités, qui parle beaucoup des Etats-Unis d’aujourd’hui, qui est efficace tant qu’elle reste suggérée (constater que les candidats à la miniaturisation sont surtout des blancs ; et que les minorités miniaturisées sont surtout dévolus aux tâches subalternes), mais rasante lorsqu’elle est appuyée avec trop de lourdeur, avec de longs développements qui montrent ce que tout le monde avait déjà compris, l’inégalité du système. Ce discours sur les inégalités sociales est d’ailleurs un peu grossier : les riches font démesurément la fête dans des palaces, et les pauvres s'entassent en périphérie s’entraident gentiment.
Pourtant, le concept de Leisureland était vraiment prometteur et ouvrait des pistes dont aucune n’est explorée : la quête scientifique, quant à l’avenir de la planète, est vite mise de côté (même si elle revient grotesquement dans le dernier segment), la quête existentielle d’un héros à la recherche de sens n’est pas menée, la critique du rêve d’une vie facile, oisive et pleine de fric n’est qu’esquissée, même chose pour le discours sur l’utopie et ses dérives…
Ce film semble avoir tellement de choses à dire qu’il n’en montre que des pistes, sans explorer grand-chose.
3) L’histoire
Bien sûr, ce genre de film de science-fiction au pitch très fort sacrifie souvent son histoire et ses personnages sur l’autel de son univers.
Mais ici, si le film n’a pas le temps d’explorer ses idées, c’est parce qu’il consacre sa dernière heure à une intrigue qui n’a pas d’intérêt. Quel gâchis : les tribulations de Matt Damon avec sa dissidente, dont on a vite compris qu’elle était brave, ne parviennent pas à émouvoir, même pas à intéresser.
Il ne reste que deux personnages secondaires, celui de Christoph Waltz et son collègue, dont leur bizarrerie amuse, mais qui n’empêchent pas le film de sombrer définitivement dans une profonde niaiserie lors du dernier segment, où il est question de fin du monde et d’écolos miniatures survivalistes…