F. F. Coppola n'a pas intitulé ce film "Dracula" mais "Bram Stoker's Dracula". Cette mention à l'œuvre originale de l'auteur irlandais de la fin du XIXe siècle est à mon sens malheureuse tant le réalisateur a pris des libertés par rapport au chef d'œuvre littéraire.
En effet, alors que le roman traite avant tout des thèmes de la mort, la science, la transgression, et la folie, le film de F. F. Coppola traite d'abord la question de l'amour (d'où la mention sur l'affiche de la citation "love never dies") et de la transgression. De même, l'interprétation de la mort selon F. F. Coppola est radicalement opposée à celle de Bram Stoker. En effet, selon la description de Dracula par le roman de Bram Stoker, le vampire jouit de son état de mort afin d'assouvir ses pulsions en toute impunité, sans remord et sans contrainte sociale. A l'inverse, le Prince décrit par F. F. Coppola est une victime de son état qui en souffre et peut être épris de pitié. Cette interprétation (peut être plus moderne) du vampire est en elle-même assez intéressante mais la référence à l'œuvre originale me semble tout de même préjudiciable.
De même, il est assez surprenant de s'apercevoir que les meilleurs scènes de ce film sont celles ne relatant pas les faits décrits dans le roman.
Ainsi, le reniement de Vlad lorsqu'il apprend la mort de son épouse est une scène très bien réalisée introduisant pleinement le film (alors que dans le roman, Dracula n'a pas de femme car Bram Stoker préfère le décrire comme une bête). De la même façon, le baptême de Mina par le Prince n'est pas conforme au roman mais est sûrement la scène résumant le mieux la personnalité du Dracula de F. F. Coppola puisque celui-ci refuse de condamner la femme qu'il aime. Enfin, la scène finale est également à l'opposé de celle du roman puisque dans ce dernier, Mina déteste Dracula car il a fait souffrir Jonathan. A l'inverse, dans ce film, Mina libère Dracula par amour en le transperçant par une épée.
S'agissant de la réalisation technique, l'OST est parfaitement adaptée à l'ambiance gothique-victorienne du film. L'esthétique est quant à elle plus clivante. A titre personnel, j'ai particulièrement apprécié l'armure kitsch rouge écailles de dragon de Vlad au tout début du film ainsi que la coupe de cheveux de 15 kilomètres de hauteur du Comte Dracula lors de la visite de Jonathan Harker !
Les prestations des acteurs sont inégales. Gary Oldman incarne parfaitement ce vampire-victime choisi par le réalisateur et son jeu est vraiment impressionnant. De la même façon, Anthony Hopkins joue un Van Helsing très surprenant. Winona Ryder réussit à faire passer de façon crédible le personnage de Mina d'une jeune fille réservée en une véritable femme dotée d'un très grand désir. Toutefois, la véritable déception est la prestation de Keanu Reeves qui ne montre pas la moindre peur ou autre émotion alors que ce dernier joue le rôle de Jonathan Harker, personnage ayant subi un enferment d'un mois par le vampire...
Ce Dracula est davantage la vision du vampire selon F. F. Coppola qu'une interprétation du roman de Bram Stoker. Pour autant, cette interprétation plus moderne introduisant le sentiment d'amour est tout de même plutôt réussie.