Le Dracula de Coppola, comme il est coutume de l'appeler, est un film pour lequel j'ai une réelle tendresse. Il y a dedans deux ou trois choses que je chéris particulièrement.

OK, l'aspect hommage au film de Murnau, avec ses ombres, ses effets spéciaux (anti)datés et quelques cadrages osés, est appuyé mais on ne sent dans ces plans ni moquerie ni parodie. Mon doux Francis Ford a aimé l'original passionnément et ne pouvait, malgré la volonté de revenir à la source, le roman de Stocker, passer outre cette référence incontournable. Dont acte. Moi, déjà à l'époque, je disais: (malgré mon jeune âge et un manque criant de maturité artistique): ça gâche pas.

Non, les deux trois trucs qui attachent sont ailleurs.

D'abord, c'est bien d'avoir (ré-)introduit une love store en milieu horrifique. Sacrée bonne pioche ! Ce n'est certes pas une invention Coppolienne, la chose existe dans le roman, mais de manière nettement moins centrale. De fait, l'intro donne un relief inattendu, rehausse le goût, déploie les couleurs. Bien plus qu'un élément supplémentaire ou un ajout anodin, cette facette donne une profondeur inattendue à l'histoire, explique la motivation du comte, insuffle une puissance dramatique galvanisante. Ce n'est plus tant un monstre froid aux désirs intangibles, mais un être (auto)maudit frappé de malédiction, au destin implacable.
Toute l'ambivalence pouvoirs terrifiques / impuissance ancestrale explose en mille reflets hypnotiques et épouse les contours des milles et unes métamorphoses du comte.

Le comte ? Deuxième coup de génie. Le Gary Oldman est un acteur relativement prodigieux, doublé d'un looser magnifique. Son talent aura été sous-utilisé d'une manière presque absolue tout au long d'une carrière baignée dans un éthylisme précoce. Entre nanard cosmique (merci Besson) et second rôle sous-employé, sous-côté (et sous-payé ?) (Harry P., Batman), Gary gâche une charisme que peu de collègues banckable peuvent se targuer d'arborer.
Ben là, il crève l'écran, le charisme. Une authentique aura. Un magnétisme pur. Drac, quoi. Ouaip ouais, dans la cour du Max Schreck il joue, le gonze.
Aussi effrayant dans une scène que charmant dans la suivante. Du coup, l'histoire d'amour évoquée juste avant tient super bien la route... de montagne.... menant au château.

Le dernier point fort, c'est le Wojciech Kilar. Nom de dieu, cette BO ! Le genre de skeud à écouter en boucle en milieu nocturne ouvert avec des potesses pour faire trembler les membres supérieurs et inférieurs, quand on a pas encore 20 ans. Ou pour bercer ses folles nuit de jeux de rôles. Ou pour... écouter tout simplement un superbe partition orchestrale. Du frisson en galette.

Et puis y a quand même quelques scènes tétanisantes. L'arrivée du bateau sur les quais de Londres est un moment jouissif entre tous.

Plaisir des yeux, des oreilles, mouvement du coeur. Tableau parfait ?
Boooon, OK, le Keanu n'est pas transcendantal (quoi que... il est sensé incarner un jeune bourgeois falot et dans le genre c'est presque sublime), deux trois scènes ou effets sont limites too much.
Mais merde. Moi, je ne boude pas mon plaisir.
C'est un vrai Dracula, un vrai film fantastique, un vrai film.
Qui ne doit pas faire rougir l'auteur de conversation secrète, du Parrain ou d'Apocalypse now.

Parfaitement.

Je récupère mes lunettes de soleil bleues, et je descend à la crypte.
guyness

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