Briseur de chaînes

Les dragons ont la cote. Bien qu’ils soient vus comme des divinités dans beaucoup de pays asiatiques, ils n’avaient pas la part belle du gâteau dans les pays occidentaux. Or, depuis quelques années, entre le remake d’Eliott & le dragon, les enfants de Daenerys dans Game of Thrones - dont Drogon qui est très apprécié - , et pour finir le ou les dragons qui nous intéressent ici, à savoir l’adorable Krokmou et ses ami(e)s, les dragons n’ont jamais été autant respectés dans les fictions provenant de l’autre côté de l’Atlantique. Et l’amour entre le public et ces sublimes créatures ne semblent pas s’arrêter en si bon chemin. La dernière trilogie en date de Dreamworks semble justement mettre en lumière l’évolution de ce rapport entre les occidentaux et les dragons : de monstres à alliés, d’ennemis à amis. Il y a un côté très métaphorique qui me plaît beaucoup. Une des forces de cette trilogie est justement le parfait agencement entre une forme d’une extrême qualité et un fond qui ferait rougir une belle partie des produits d’animation de ces dernières années.

La forme

La saga Dragons, déjà superbe et révolutionnaire en 2010, nous en remet plein la vue grâce à Dreamworks et le dernier-né de la trilogie avec une animation léchée et aux détails à couper le souffle. Chaque film est certes sorti à un intervalle assez conséquent pour le plus grand malheur des spectateurs – 2010 pour le premier volet, 2014 pour le second et 2019 pour le dernier – mais ça a rarement été autant justifié. Chaque plan est un festin de détails et de petites trouvailles que le spectateur pourra s’amuser à découvrir après chaque visionnage. Les réalisateurs se sont aussi bien amusés en créant un monde caché d’une grande beauté, coloré et créatif. Je me suis surpris à penser à plusieurs moments pendant le film que le plan qu’on nous offrait était superbe. Parce que l’idée d’offrir est ici importante, ce nouveau bijou est un cadeau pour tous les fanas d’aventure et de l’animation.

Le visuel est fondamental pour un film d’animation mais le scénario se doit d’être plaisant pour que le film mérite toutes les louanges. Or comme pour les deux premiers volets, c’est pratiquement un sans-faute de ce point de vue-là. Même si ma préférence va encore pour le premier, tant il y avait un côté un peu magique et mystique dans l’œuvre de 2010, j’ai pris énormément de plaisir à suive les actions de nos héros durant tout le film. Le rythme du film est bien géré, entre moments de douceur avec les ébats amoureux de notre dragon favori, et moments plus tendus où l’action est superbement mise en scène. Un de mes seuls regrets dans tout cela est que tout s’est passé trop vite, je n’ai pas vu le temps passer.

Le fond

Une chose m’a fasciné durant mon visionnage : la réaction de la salle. Composé ultra-majoritairement de familles avec enfants, la salle a été assez peu réactive. Ne vous méprenez pas, je ne dis pas que ce n’est pas un film pour enfants. Il est certain qu’ils l’adoreront. Mais c’est un film qui est à mon sens tout autant pensé pour les grands que pour les petits. Il y a une approche très adulte dans les sujets évoqués, mais fondamentalement ce sont des sujets adultes qui sont abordés. Il n’y a pas un âge où les leçons de vie sont plus à même d’être enseignées mais elles ne seront pas comprises de la même façon, ceci est une certitude. Quand je parlais un peu plus haut de la salle peu réactive, l’humour en fait partie. Mis à part quelques personnages enfantins, notamment les amis d’Harold, peu de choses feront mourir de rire un gamin, tels des œuvres comme Madagascar ou L’âge de glace.

Même si les avis vont diverger sur ce point, nous avons là à mon sens la meilleure trilogie d’animation. Même si Toy Story est totalement dans la discussion, ma préférence va pour la saga aux animaux féériques. Mon premier est une parfaite introduction, mon second une adoption au nouveau monde, mon troisième une conclusion cohérente et déchirante.

Le film finit par briser les chaînes de ces pauvres dragons en furie. Il amène aussi un nouveau souffle à l’animation avec une fin non-convenue et surprenante, mais permet aussi et surtout de clôturer cette saga avec brio. C’est un pincement au cœur de dire adieu à cet univers qui m’aura fait décoller et voyager jusqu’aux contrées d’un village d’une île de Vikings peuplée de dragons.