Minuit.


Veste blanche sur les épaules, j'arpente les rues désertes de la ville, seul. La seule lumière pour me guider crépite au bout de mes lèvres alors que je tire la dernière latte d'une cigarette agonisante. Je souffle un nuage de fumée invisible, la lumière est éteinte. Les réverbères semblent refuser d'illuminer cette ville fantôme, effrayés par ce qu'ils pourraient révéler.


Peu importe, la pénombre ne me dérange pas. Je sais où je vais, je connais ce chemin par coeur. Jamais je ne dérive. De la porte de mon appartement, quatre pas vers la gauche, deux étages d'ascenseur, puis six pas droit devant. Dans la rue, cinquante mètres sur la gauche, puis traverser vers une longue rue. Tout droit. Jusqu'au mur.


Je marche lentement, plus rien ne me presse. Je viens de payer ma visite mensuelle à mon appartement. La poussière s'y accumule, sans surprise au vu de la durée de mes absences. Toujours la même routine. Chaque mois, j'y reviens une journée, je remplis mon sac, et je repars. C'est mon repaire, mon point de chute. C'est là que j'entrepose mes réserves, mes affaires.


C'est aussi là que je garde mes souvenirs. Va savoir, c'est peut-être pour ça que j'y passe qu'une fois par mois. A chaque fois que je prends l'ascenseur, à chaque fois que je marche dans ce couloir, à chaque fois que j'ouvre cette porte, j'y repense. A elle, à nous. A ce qui aurait pu être. Heureusement, je reste pas très longtemps, ou en tout cas, jamais assez pour que ça me mine.


Je peux pas me laisser abattre, il faut que je continue. Le complexe du survivant, ils appellent ça. Du jour au lendemain, tout a disparu. Va savoir ce qui s'est passé, moi je dormais. Mais d'un coup, plus rien. Plus personne. Juste moi, et tous ces immeubles vides. Rien à la télé, rien à la radio.


Seul au monde.


Depuis des années, je pars. De plus en plus longtemps, de plus en plus loin. Je cherche. J'arpente un pays désertique, des villes fantômes, à la recherche d'une trace de vie. Je vis sur la route, je subsiste dans ma voiture. A mesure que le temps passe, j'apprécie de plus en plus ces heures passées, les gants vissés sur mon volant, alternant entre silence et musique libératrice. C'est la route ma vraie demeure. C'est ici que j'existe.


Peut-être que je n'y crois plus vraiment. Je ne sais pas si je trouverai quelqu'un, mais ça ne change pas grand-chose. Je dois continuer, je dois les chercher. Je dois vivre.


Le mur. Gris, concret, un rappel à la réalité. Je suis au bout de l'allée. Je sais qu'à droite, elle m'attend. Je m'assieds face au volant.
La clef tourne dans le contact, le moteur vrombit.
J'allume les phares, et enclenche la marche arrière.


Je suis de nouveau sur la route.


Une seule chose à faire.


Drive.

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le 22 nov. 2015

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