Une adaptation de Murakami, c'est nécessairement toujours une création nouvelle où le langage cinématographique doit se substituer au littéraire, encore davantage pour cet auteur à l'univers très particulier, où le flou est plus évident que le réalisme. Oublions donc l'origine du film car Ryusuke Hamaguchi a de toute manière son style propre qui trouve une sorte d'apogée ici, tant par sa texture romanesque et la finesse de son récit que par sa fluidité de mise en scène. On pourra arguer que les répétitions d'Oncle Vania de Tchekhov sont trop présentes dans le film mais celui-ci fait du temps un allié pour le cinéaste qui a 3 heures pour créer une atmosphère et jeter les bases de la psychologie de ses deux personnages principaux, jusqu'à une dernière partie magnifique, sur fond de road-trip qui exorcisera deuil et culpabilité en une sorte d'apogée mélancolique, synonyme de nouveau départ. Le cinéma a souvent utilisé l'argument du chauffeur associé à un "client" dont il est l'opposé pour parler de tolérance et d'ouverture aux autres mais Hamaguchi sublime le procédé, d'abord en usant du silence et de l'écoute, avant d'en venir aux confessions respectives, distillées avec une pudeur et un sens de la concision éblouissants. Ce type de cinéma cristallin, fort en sentiments, autant qu'en non-dits, est suffisamment rare pour être apprécié, à l'instar du Burning de Lee Chang-dong, par exemple. Drive my Car est un exercice soyeux de conduite accompagnée, avec ses lignes droites et ses virages, négociées avec souplesse et une maîtrise exquise du véhicule.