Driver
6.9
Driver

Film de Walter Hill (1978)

J’avais entendu parler de ce film comme étant une des inspirations du tout récent Baby Driver. Une règle établie voulant que les films originaux soient meilleurs que leur "copies" je m’engageais dans le visionnage avec les meilleures intentions. Je n’ai pas pour habitude d’être à contre-courant pour le plaisir de l'être et je vais donc essayer d’expliquer ici pourquoi ce film m’a déçu.


Attention, il y aura quelques spoilers


Le film commence comme un remake du Samouraï de Melville avec Ryan O’Neal, campant le rôle tenu par Alain Delon, et Isabelle Adjani en femme fatale. C’est ici que le film souffre immédiatement de la comparaison. Alors qu’on avait connu Ryan O’Neal très touchant dans un registre lyrique comme dans Barry Lyndon ou encore Love Story, son interprétation de l’impassibilité de son personnage, dans le même registre que Delon, lui donne plus un air narquois que détaché, et à ce titre Ryan Gosling est quant à lui bien plus crédible quand il reprit le rôle dans Drive. Isabelle Adjani propose également un sous jeu assez intrigant, presque désinvesti. De l’autre côté du spectre, on retrouve le bad cop de service, interprété par Bruce Dern cabotinant comme un cochon, pas aidé en cela par des dialogues d’une platitude affligeante qui culmine dans la scène où il explique être un vainqueur en lisant la page sport du journal, une scène qui laisse l’impression d’un sous-Tarantino avant l’heure.


Une autre erreur que commet le film est dans sa peinture de la psychologie des personnages. Dans Le Samouraï, nous savions dès le début que le protagoniste vivait en dehors des lois, sans aucune morale. Ici, le film présente un des clichés du cinéma américain : le hors-la-loi qui a une morale. Car oui, s’il conduit des voitures c’est parce qu’il n’a pas le choix et qu’il faut bien vivre, et c’est tout ce qu’il sait faire. Mais Monsieur ne touche pas les pistolets car c’est mal, et d’ailleurs il déteste conduire les gens qui tuent des gens car ce sont des méchants.


Ce qui ne l’empêchera pas trois quart d’heure plus tard, de commettre un assassinat, puis un second à la toute fin du film.


Le revirement du héros révèle en quelque sorte l’hypocrisie du film puisqu’il nous présente initialement un personnage plus facilement identifiable au spectateur alors qu’il a bel et bien la morale d’un criminel.


On passe également beaucoup de temps dans ce film à explorer la figure de ce méchant flic, véritable antithèse psychologique du conducteur, et qui n’est au final qu’une caricature inintéressante.


Un autre problème de The Driver réside dans sa structure. Au niveau des scènes, la plupart souffre d’être bien trop courte. Leur articulation est très artificielle. Et au niveau du déroulement de l’action, la scène où il dépose sa sacoche à la gare arrive bien trop tôt, ce qui donne à la dernière demi-heure l’impression de traîner en longueur.


Tout l’intérêt du film réside dans ses scènes de course-poursuite qui ont dû être révolutionnaire en leur temps et qui, bien que bien filmées et chorégraphiées, n’atteigne pas à l’intensité de celle qu’on a pu voir dans Bullitt et French Connection de la même époque.


Au final, un film qui gâche une prémisse qui aurait pu aboutir à dix bons films par une exécution hésitante, en dépit de nombreuses scènes de course-poursuite virtuose.

Gwynplain
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le 24 août 2017

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