Avant de réaliser plusieurs de ses chefs d'œuvres, des drames poisseux et mélancoliques (Quai des Brumes et Les Enfants du Paradis entre autres), Marcel Carné s'octroie, pour son second long-métrage, un petit plaisir en convoquant son ami Jacques Prévert pour adapter et mettre en scène un obscur auteur anglais.
Il faut voir Drôle de drame non pour sa mise en scène qui ici disparaît parfois derrière l'interprétation jouissive des comédiens (et quelle bande !) et la finesse de la langue du poète, mais pour son intrigue qui, dans un rythme ahurissant et efficace, accumule sans que cela soit possible de l'arrêter, les quiproquos et les situations cocasses.
Il faut voir Drôle de drame pour son condensé explosif de tout ce qui fait le meilleur du théâtre de boulevard.
Il faut voir Drôle de drame pour le délire total qui entraîne ses immenses comédiens dans une auto-dérision permanente qui démontre leur admirable capacité au ridicule.
Il faut voir Drôle de Drame pour Louis Juvet, qui incarne pourtant un évêque rigoriste (non sans péchés), déguisé en kilt dans une scène tout bonnement hilarante.
Drôle de drame est impressionnant de drôlerie et de dérision, comme un film en roue-libre toujours maîtrisé, d'une modernité qui force le respect et fait rire du début à la fin.
Un film qui porte si bien son nom