A l'origine, le scénario est celui d'un vaudeville classique tirant sans doute sur l'humour noir. Mais, au fur et à mesure que se développe l'intrigue, les rebondissements et les quiproquos hasardeux, typiquement théatraux, du vaudeville paraissent moins utiles à imprimer le rythme du récit qu'à exprimer l'anticonformisme de Prévert. Maître de l'absurde et proche du surréalisme, Prévert brode des péripéties abracadabrantes autour du meurtre présumé d'une épouse bourgeoise et de la clandestinité de son mari (Michel Simon), spécialiste de botanique mais surtout écrivain scandaleux de romans policiers.
L'histoire progresse, de plus en plus loufoque et toujours plus improbable! Au passage, Jacques Prévert ridiculise comme il se doit la bourgeoisie, la police et le clergé, lequel est représenté par un évêque protestant chargé de famille, un puritain qui n'hésite pas cependant à se travestir en écossais (kilt et lunettes noires!) pour éliminer les traces de ses escapades coquines. Louis Jouvet compose ce personnage irrésistible avec la raideur et la dignité qu'on imagine. Chacun des comédiens, d'ailleurs, trouve dans cet effectivement drôle de drame - et c'est la qualité principale du film de Carné- un emploi tout en dérision et cabotinage.