Associée aux rigueurs des moeurs monastiques, l'intrigue de ce qu'on peut appeler polar médiéval et religieux n'en est que plus étrange et saisissante. Le réalisme avec lequel Jean-Jacques Annaud dirige les comédiens et filme l'inquiétant site d'une abbaye donne au "Nom de la rose" son exceptionnelle et envoûtante apparence formelle. L'exemplaire mise en scène de ce théatre moyenâgeux et religieux sert remarquablement l'atmosphère tour à tour intimiste et baroque de l'oeuvre éponyme d'Umberto Eco tout autant que son propos.
Dans cet endroit hors du temps et du monde, les crimes que Frère Guillaume de Baskerville cherche à élucider dans les arcanes d'un mystérieux donjon prennent une dimension forcément singulière en s'inscrivant dans une ténébreuse énigme mystique ou diabolique. La vérité est sans doute dans un livre sacrilège, un livre subversif propre à déranger les théories d'ascétisme de l'ordre des bénédictins. La révélation survient enfin, imprécise quant à la nature du livre, mais telle une parabole.
A l'instar de "La religieuse" de Diderot dénonçant l'enferment contraint mais respectant la foi, Eco ne dénonce que l'obscurantisme clérical et un dogmatisme relevant férocement de l'Inquisition. Le propos est d'autant plus significatif qu'il rencontre un metteur en scène et des acteurs très inspirés.