Aussi puissant qu'un vieux whiskey de réserve et aussi réjouissant que le poiré de pépé en fin de repas, Drunk frappe fort. La bande de quatre amis est un joli coup de cœur, les acteurs étant chacun très bon, et Mads Mikkelsen percutant comme jamais (et ce final ! On ne s'en remet pas !). Les dernières minutes sont certainement les plus réussies, s'offrant le luxe d'une danse endiablée de Mads sur l'électrisante musique What a Life de Scarlet Pleasure (on se la réécoute en boucle), d'un parallèle touchant entre l'ivresse de l'alcool et l'ivresse du chagrin (ici les personnages ne boivent pas pour oublier leur peine, mais pour célébrer


le défunt


, une inversion de l'alcoolisme habituel), et un beau message final. Jamais moralisateur sur la place de l'alcool (il ne réfléchit pas pour vous), Drunk choisit un juste milieu entre la diabolisation de l'ivresse et l'encouragement à boire : le plus dangereux est l'utilisation que l'on fait de sa flasque. On peut même voir les personnages qui composent cette bande de copains comme des graduations des méfaits : il y a Martin, celui pour qui le petit coup de gnôle a été bénéfique


(l'a aidé à s'exprimer, déballer tout ce qu'il avait sur le cœur depuis trop longtemps, et choisir ses ivresses pour s'amuser et non plus fuir des problèmes), Nikolaj qui a dépassé les bornes avec sa famille pour mieux reprendre les bases, Peter qui a déjà plus de mal à arrêter (il continue de cacher de l'alcool dans ses bouteilles d'eau)


et enfin Tommy, dont le sort est la triste réalité qui rattrape au collet cette histoire d'alcool joyeux. On se rappelle alors de la petite phrase de Peter face à l'étudiant


qu'il enivre le temps d'un examen


: "Que ça ne devienne pas une habitude.", qui résume bien le vrai message du film. On s'attendait à se faire plomber le moral avec ces quatre gus en pleine crise de la quarantaine, et finalement Thomas Vinterberg a réussi le pari fou de célébrer la vie par la dépression. Le réalisateur qui nous aura fait passer un paquet de mouchoirs entier lors de son discours de remerciements aux BAFTA et Oscars (il a perdu sa fille de 19 ans dans un terrible accident de la route lors du début du tournage, et le lui dédie), a transmis à son film toute la puissance de son malêtre profond sans jamais nous accabler d'un trop-plein dramatique, un petit exploit en soi. On a bien rigolé par moments (les gens ivres qui font n'importe quoi, une valeur sûre du comique), on a été ému à d'autres (le sort de Tommy), on s'est passionné pour le final endiablé assorti d'un Mads Mikkelsen époustouflant. A voir sans modération !

Aude_L
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le 20 mai 2021

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