Il s'agit de l'adaptation d'un roman éponyme d'Albert Simonin par Marcel Carné en 1963. Le roman fut publié chez Gallimard mais pas dans la collection Série Noire…
Quelque part, ça avait dû être un honneur (une consécration ?) pour Simonin d'être publié dans la collection "normale" Gallimard. Enfin, j'imagine.
En tous cas, le film reflète bien l'ambiance du roman qui est assez complexe. En effet, il est d'abord entièrement écrit en argot. Ensuite, il raconte une tranche de vie d'un vieil immeuble de rapport situé à la Contrescarpe dans le quartier latin. C'est un quartier encore populeux, pas encore le quartier devenu inaccessible aux bourses plates …
Tout serait banal si l'immeuble n'appartenait pas à un ancien truand reconverti dans l'élevage d'oiseaux auxquels il tente d'enseigner le chant. Enfin, un truand … On découvrira que c'était plutôt un ancien mac qui a dû faire fortune on ne sait trop comment. Comme c'est Paul Meurisse avec ses airs de grand seigneur, alors tout va bien … Mais, chassez le naturel, il revient vite au galop lorsqu'il file un pourliche somptueux (en biftons bien craquants) à une serveuse, en plongeant la main directement dans le (profond) décolleté.
Evidemment, on ne s'étonnera pas que les autres locataires soient hauts en couleur entre un tailleur mystique et illuminé qui élève, en cachette, une tripotée de chats (Roland Lesaffre) et un couple de bouchers, Jean Richard et Suzy Delair. Ceux-là s'aiment tellement (à coups de torgnoles) que, lui, va courir la gueuse avec une fille de l'immeuble intéressée par le bon motif (Dany Saval, entraineuse) tandis qu'elle, va se taper l'apprenti de la boucherie, chanteur pop amateur, dans sa chambre de bonne.
Comme dans tout immeuble parisien de cette époque, il y a l'inénarrable bignole au courant de tout et bonne à tout faire interprétée par Suzanne Gabriello, qui ne conserve pas sa langue dans sa poche.
Mais je garde la meilleure pour la fin puisqu'il s'agit de l'excellentissime Jeanne Fusier-Gir dans le rôle d'une vieille dame dolente impotente qui aime geindre et se faire plaindre. Enfin impotente, faut voir … Car dès qu'on a le dos tourné, elle sait redevenir "potente" et aller chercher le biscuit rangé en haut du placard.
Jusqu'au jour où elle meurt, dans des circonstances mystérieuses, d'une indigestion de tarte aux fraises, faisant entrer le loup dans la bergerie. À savoir, les flics, en la personne de Robert Dalban, qui reconnait Meurisse comme un ancien client de la maison poulaga.
Pour finir, avouons quand même qu'il ne faut pas s'attendre à un film de Marcel Carné avec son fameux "réalisme poétique" emballé dans un scénario signé Jacques Prévert. Mais, cela reste un film plaisant avec différents numéros d'acteurs typiques du cinéma des années 60 dans un Paris qui n'existe plus guère aujourd'hui. Rien que voir Paul Meurisse dans ses extravagances est déjà un plaisir en soi …