Je l'avais probablement vu dans mon enfance (c'était le genre de film de mon père) mais j'avoue, je n'en avais aucun souvenir. Il aura fallu une insomnie pour que je tombe sur "Du silence et des ombres"
Excellente approche du racisme "ordinaire" qui a plané pendant des décennies sur les Etats-Unis. "Ordinaire" dans le sens où il était exprimé librement et la ségrégation faisait rage même au cœur des plus petites villes tranquilles. Atticus Finch, avocat accepte de défendre John, jeune ouvrier agricole noir accusé du viol d'une jeune fille blanche. Finch décide donc de s'installer à Maycomb, en Alabama, lieu du crime en compagnie de ses enfants.
Ce qu'il y a d'admirable dans le scénario, est justement le positionnement sur l'affaire à travers ses différents protagonistes. D'un côté le monde abrupt des adultes bornés et campant sur leurs postions et de l'autre celui des enfants qui la projette vers une dimension de l'angoisse, presque ésotérique. A l'image de "La nuit du chasseur" cette peur décuple et intrigue le spectateur dès le début, faisant place par la suite au mystère, tandis que Laughton accentue l'effet dramatique et plombant.
L'adaptation d'Horton Foote (oscarisé) du roman d'Harper Lee (basé sur une histoire vraie) est extrêmement bien équilibrée entre le noyau familial (relations tendues), l'avocat (mise en avant du risque de défendre un noir) et l'affaire (prémisses d'ouverture d'esprit au niveau communautariste). Les réflexions se contredisent autant qu'elles fourmillent et se bousculent comme dans les romans de Truman Capote ("Les domaines hantés", "La harpe d'herbes" ou encore "De sang froid").
Le décor est également impressionnant. Cette petite ville entièrement reconstituée donne toute sa crédibilité à l'action diurne et nocturne... un territoire à découvrir pour les enfants, le lieu de prescience d'un homme, d'une communauté... Alexander Golitzen, Henry Bumstead et Oliver Emert ont été oscarisés également pour leur travail.
Autre oscarisé pour le film, Gregory Peck, avec son air de star au rabais, il a toujours marché dans l'ombre des très grands acteurs de l'époque, trop propret pour les films noirs, trop chichiteux pour être un vrai cowboy, trop mou pour les films d'action et trop sage (limite mormon) pour les comédies romantiques... Bon je vous accorde que dans "La malédiction" il me fait parfois pétocher plus que ce sale gosse de Damien ! Et là ! Miracle (en Alabama puisque nous y sommes) il est parfait, hyper convainquant, le film repose sur lui, et il le lui rend bien ! Son ultime plaidoirie de 9 minutes (tournée en 1 seule prise) impose le respect. Epaulé par Mary Badham et Phillip Alford deux des gamins tous deux aussi surprenants, au niveau du casting, c'est du lourd !
Et si je vous dis Elmer Bernstein à la musique...
Voilà un film à découvrir ou revoir donc !
Et comme la vie est belle (sourire extra blanc chevalin de Julia Roberts et paillettes en veux-tu en voilà !!!), petits chanceux, le film repasse ce vendredi 30 juin 2016 à 13h35 sur ARTE ! A vos enregistrements !