Plus un film de David Selznick que de King Vidor, Duel au Soleil marque par son ambition, ses excès, son souffle mélodramatique et cette impression de voir un Autant en emporte le Vent façon western.
C'est un sentiment étrange qui domine lorsqu'on regarde Duel au Soleil, ses excès mélodramatiques, visibles notamment dans les réactions du couple principal à chaque péripétie ou presque, ne sont aucunement dérangeants, et c'est même le contraire, ils participent à la réussite du film. Ils sont l'une des raisons du souffle épique de l'œuvre, de sa poésie et de son aspect tragique qui prend vite le dessus par rapport aux autres éléments.
Enfin, j'exagère un peu, les excès mélodramatiques ne sont pas non plus sur chaque mètre de pellicules et Duel au Soleil est avant tout marquant par le spectacle proposé, la mise en scène qui sublime ce triangle amoureux, le magnifique technicolor ou tout simplement les comédiens. Gregory Peck est surprenant dans le rôle d'un cow-boy cynique et arrogant, charmeur et surtout solitaire, alors que Jennifer Jones est endiablée (elle qui épousera bientôt Selznick) et que Joseph Cotten incarne un frère raisonné et calme.
Ce trio fonctionne à merveille, les caractères sont opposés, Selznick ose évoquer la passion sexuelle et amoureuse, et insiste sur le côté violent et néfaste de la relation entre Jones et Peck. Ils sont entourés par d'autres personnages forts, à commencer par la mère (Lillian Gish, toujours parfaite) et le sénateur, qui apportent là aussi une vision opposée sur le comportement des deux frères. L'écriture est solide, avec un scénario simple et très bien exploité, tournant vite vers la tragédie pour un final annoncé, mais puissant.
Les séquences s'enchaînent sans temps mort, le film sait prendre son temps pour présenter le contexte et développer les relations entre les personnages. Plusieurs scènes deviennent marquantes, à l'image du bal avec une caméra virevoltante captant tout ce qui s'y passe, où les premiers moments partagés par Peck et Jones, comme lorsqu'elle monte à cheval pour la première fois dans le ranch.
Duel au Soleil insiste aussi sur les comportements humains, le cynisme de certains contrebalance la loyauté d'autres, avec la tentation féminine et le péché au milieu. L'évolution de l'Ouest et les querelles de propriétaires terriens apparaissent aussi en second plan, et participent à la réussite du film. Les images sont sublimes, le technicolor magnifique et les différentes visions du ciel (rouge, orageux...) sont inoubliables. Le duel fratricide tient toutes ses promesses, la tension est au rendez-vous et le final est mémorable.
Duel au Soleil permet à David Selznick de mêler western et tragédie en sublimant un triangle amoureux où la passion dévore les âmes, le sang viendra s'y mêler, la poésie aussi, le tout dans un technicolor flamboyant et servi par de formidables comédiens.