"These Thousand Hills" est un western de Richard Fleischer tourné en 1959 fort intéressant et plutôt original. Le titre choisi par les distributeurs français "Duel dans la boue" , pas faux, est, pour mon goût, bien trop réducteur.
Le scénario est tiré d'un roman de AB Guthrie Jr (dont on a déjà parlé lors de la critique de "la captive aux yeux clairs").
C'est l'histoire d'un cow-boy ambitieux, Lat Evans, qui a eu une enfance austère et pauvre dans une famille puritaine dont le père usait volontiers du fouet et qui plus est, a fait faillite. Plus jamais ça : "je n'ai pas peur de travailler très dur. Je ne veux pas mourir pauvre".
Et effectivement il s'en donne les moyens et grimpe dans la société et obtient ce qu'il n'a encore jamais eu, de l'argent, de la reconnaissance et de la considération. C'est louable et c'est légitime. Mais le prix à payer, c'est qu'il lui faut passer outre les sentiments que les autres peuvent lui porter. D'abord, l'amitié avec son copain Tom qui lui sauve un jour la vie. Lat le prendra comme associé jusqu'au jour où par maladresse (ou inconscience du mal qu'il cause), il rompt cette amitié. Puis surtout, l'amour que lui voue Callie, une prostituée, qu'il a rencontré lorsqu'il n'était que cow-boy, qui lui avance l'argent de l'achat du ranch pris sur ses économies.
Il faut bien préciser qu'il n'y a pas de malhonnêteté dans le parcours de Lat, il y a du travail, beaucoup de travail et de bonnes opportunités qu'il saisit à l'occasion. On est dans le mythe américain de la réussite. "Tout américain peut un jour devenir président des Etats-Unis"
Mais, lorsqu'il sera mis en face de plusieurs situations (un lynchage et la violence commise à l'égard de Callie) qui heurtent ses convictions profondes, il saura retrouver les ressorts moraux pour réagir.
On pourrait penser que Richard Fleischer égratigne le "mythe américain". A mon avis, c'est plus subtil que ça, Fleischer fixe des limites au rêve qu'il ne remet pas en cause.
Le personnage de Lat Evans est assuré avec talent par Don Murray. C'est un acteur qui n'a ni un physique extraordinaire ni un grand charisme ; c'est un acteur normal qui joue un rôle normal ; il ressemble finalement à chacun d'entre nous et c'est ce qui rend son personnage très crédible. C'est le gars modeste et pauvre au départ, qui sait ce qu'il veut et, à la force de ses bras, finit par l'obtenir. Jusqu'à une certaine limite. Bien qu'il n'apparaisse pas foncièrement antipathique, il ne dégage pas spécialement d'empathie de la part du spectateur jusqu'au moment clé où, suite à l'étonnement de son épouse devant un appel à l'aide de Callie, il lui répond : "elle a le droit de m'appeler à l'aide". Ce qui le réhabilite aux yeux du spectateur.
Justement, le personnage de Callie, qui est le plus beau du film, dont on sent que Richard Fleischer a mis tous les moyens pour la mettre à son avantage, est joué - magistralement - par une délicieuse et sympathique Lee Remick. Tout est extrêmement travaillé : ses magnifiques robes vertes pendant tout le film et rouge à la fin, les décors dans lesquels elle évolue, ses coiffures et bien entendu sa mise en scène.
Le film est magnifiquement tourné en cinémascope avec des très beaux paysages du Montana et une caméra assez fluide et mobile.
Un mot aussi sur la musique très lyrique qui baigne le film notamment dans les séquences en pleine nature. Ainsi que l'entêtante chanson "these thousand hills" chantée par Randy Sparks pendant le générique et de temps à autre pendant le film
Un western, peut-être méconnu, que je recommande volontiers.