Dumbo
5.8
Dumbo

Film de Tim Burton (2019)

L’année 2019 ne va pas marquer le début le plus glorieux pour les studios Disney : 3 remakes de classique Disney qui n’ont jamais été demandé à l’origine ainsi qu’une suite à Maléfique avancé en fin d’année contre un seul projet original et un documentaire de DisneyNature. On pourra sortir le contre-argument comme quoi quelqu’un de compétent et intéressé par ce qu’il a entre les mains arrivera à sauver la situation, et c’est déjà arrivé ne serait-ce qu’avec l’exaltant et respectueux Le retour de Mary Poppins de Rob Marshall ou le charmant conte de fée Cendrillon de Kenneth Branagh. Mais le fait est qu’engager ici le scénariste de Transformers et Tim Burton à la réalisation qui n’a plus la côte auprès du public depuis un moment, ça passait pour les décisions les plus inadéquats pour réussir dans les faits.


Puisque l’auteur d’Edward aux mains d’Argent et des deux premiers films noirs sur Batman ne s’était pas énormément investi sur ses derniers projets, donnant plus l’impression de s’enfoncer dans une forme de caricature de son propre cinéma. Quant à Ehren Kruger, on va s’abstenir de retourner le couteau dans la plaie, les plus gros détracteurs et/ou connaisseurs de la saga de Michael Bay sauront en dire plus.


Néanmoins, en dépit de tout cela et de toutes les craintes qu’on peut se forger avant de voir ce film, la version live de Dumbo dispose d’un argument de taille qui enfonce facilement le clou à Aladdin et Le Roi Lion avant même qu’ils ne sortent en salle : celle de ne jamais se reposer entièrement sur un scénario préconstruit et de créer sa propre histoire à partir de l’essentiel. Si le but de l’éléphanteau reste le même, le fond et les personnages diffèrent grandement et apportent du frais là ou on ne l’attendait pas au vu de la politique du studio dernièrement.


Dumbo devient davantage le centre d’intérêt que dans le classique, mais bénéficie d’une modélisation numérique plus que soignée pour qu’il puisse susciter des émotions dans une version live de l’éléphanteau. Un peu comme les peluches au sein de Jean-Christophe et Winnie qui les avaient vieilli et dégarni pour les rendre crédible à l’écran.


Et l’univers qui l’entoure joue un rôle dans son parcours, à commencer par la famille Farrier rendu facilement identifiable durant les premières minutes. On pourra faire des reproches sur le jeu d’actrice de Nico Parker qui a parfois du mal à afficher des émotions, mais c’est compensé par la volonté de son personnage d’être plus qu’un phénomène de foire divertissant les spectateurs comme les autres membres du cirque et à transmettre cette volonté à Dumbo. De plus la présence de Finley Hobbins et surtout de Colin Farrell lui apporte un bon soutien, l’acteur a plus de charisme qu’il n’en faut pour tenir dans un film et son rôle de père désillusionné revenu du conflit sied bien à son manque de fantaisie. Moins convaincu en revanche par le chef du cirque Medici, Danny DeVito a beau s’amuser mais j’ai personnellement du mal à voir autre chose qu’un cousin éloigné du chef de cirque de Big Fish à quelques détails près (pas étonnant vu qu'il le jouait aussi). Par ailleurs la troupe du cirque est elle-même très relégué au troisième rang,


mais cela le film en prend conscience dans son dernier tiers puisqu’il a recours justement à ces artistes pour venir en aide à la mère de Dumbo au sein de Dreamland, sinon leur manque d’utilité serait facile à pointer du doigt.


En revanche là ou cette version live arrive à se distinguer, c’est dans ses intrigues. Le moment ou Dumbo réussit à voler ne constitue plus une fin mais un nouveau début. L’éléphanteau ayant fait fureur, au lieu d’en faire une superstar à qui tout réussit, il devient rapidement l’acquisition d’un entrepreneur voulant exploiter son image par quête de renommé et de profit au détriment de la dignité des animaux dans l’industrie du cirque. En plus de tirer profit de la situation économique exécrable du cirque de Medici pour se l’accaparer sur le dos de celui-ci, montrant le contrôle des puissances de l'industrie du divertissement dévorantes les plus faibles et les plus faillibles (Dumbo compris). Message qui prend un peu plus de forme avec l’arrivée de la trapéziste elle-même figure exploitée de Dreamland, jouée par notre frenchie Eva Green qui apporte elle-aussi son expérience sur le plateau pour le bien de tous.


D’ailleurs de ce côté-là l’aspect illusoire et exploiteur de cette entreprise du spectacle trouve aussi son écho dans les choix esthétiques du film. Tim Burton optant pour une vision crépusculaire lors des scènes au sein du cirque des frères Medici, plus disparate dans les décors et l’environnement en proie à son déclin. Avant de passer à quelque chose de plus cadré, propre et embelli lorsqu’on entame l’acte au sein de l’immense parc Dreamland mais pourtant moins humaine et moins chaude dans ses choix graphique, plus superficiel. On revoit enfin le cinéaste prendre des choix visuels cohérents et réfléchis et non plus resservir la même sauce qu’il a faite trop souvent dernièrement ou simplement enchaîner les commandes sans se poser plus de question.


Et on parvient de nouveau à ressentir des belles émotions lorsqu’on s’intéresse au lien établi entre les enfants Farrier et Dumbo, loin d’être de la pitié gratuite et rendant les moments de réussites de l’éléphanteau, dans un monde très loin du cartoon et de la fantaisie du film d’animation, que plus encourageant et satisfaisant. Même si le film n’est pas toujours adroit dans sa démarche (Wandemere joué par Michael Keaton a du sens dans le propos mais le personnage en lui-même n’est pas mémorable et il perd en crédibilité lors du climax), qu’il n’est pas subtil dans le placement de ses quelques clins d’œil au classique Disney (Medici qui chantonne Le Train du Bonheur alors qu’on avait déjà un remix musical de Danny Elfman dans l’introduction, le spectacle des éléphants roses sous forme de bulles qui n’est qu’une reprise gratuite et un rappel pour les fans)


et qu’il souffre d’une conclusion avec un happy ending forcé,


on ressent davantage l’envie de participer à ce conte que dans une production onéreuse et calqué tel une imitation pour fan comme semble l’annoncer Aladdin et Le Roi Lion. En tout cas on sent de l’engagement derrière.


Même Danny Elfman, qui est souvent réduit à des travaux transparents ces dernières années, se sort les doigts du fondement et fait un boulot plus qu’acceptable en termes d’accompagnement musical. Si on met de côté, bien sur, la reprise pop de piètre qualité d’Arcade Fire bien loin de susciter la puissance émotionnelle de la chanson originale.


Cette version live a beau manquer de touche de profondeur ici et là et subir des maladresses déjà présentes précédemment au sein des remakes live de classique Disney (ou d’autres films Live), il réussit à gagner de l’intérêt et de la personnalité en créant des émotions avec ses nouvelles intrigues et en ayant son propre univers ainsi que son propos actualisé, et donc loin d’être une vulgaire reproduction du film de Walt Disney Animation Studio.

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6

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