Dumbo
5.8
Dumbo

Film de Tim Burton (2019)

S'emparer d'un grand classique tel que Dumbo avait tout du sacrilège et de l'outrage. Comme d'hab' pour beaucoup dès lors qu'il s'agit de revisiter le patrimoine. L'enjeu était donc ailleurs, et de savoir de quel côté le film allait braconner : adaptation paresseuse au mot près façon La Belle et la Bête ? Ou oeuvre remakée par l'air du temps, comme Peter et Elliott le Dragon ou Jean-Christophe et Winnie ?


L'annonce de Tim Burton à la barre de l'entreprise, elle, n'avait pas secoué grand monde, tant il semblait, aux yeux de certains, n'être que l'ombre de lui même depuis des lustres.


Dumbo ne partait donc pas forcément gagnant, loin de là.


Le rythme en dents de scie dont il souffre n'est pas fait pour rassurer. Mais malgré cet avatar, le spectateur ne pourra sortir de la salle qu'avec un certain sentiment de satisfaction.


Cette satisfaction sera suscitée par le fait de revoir Tim Burton en pleine (presque) possession de ses moyens, en tentant de renouer avec la première période de sa filmographie. Et cela fait bien plaisir, pour tout avouer.


Certes, il le fait chez le méchant Disney pas bien. Certes, il le fait pour une nouvelle commande, avec tous les poncifs familiaux, cahier des charges et autres figures imposées que cela comporte.


Sauf qu'enfin, depuis bien longtemps, on se dit, devant ce Dumbo, que l'on a bel et bien affaire à un film de Tim Burton. L'entame du film le signale immédiatement, en se détournant d'un motif récurrent du metteur en scène pour se focaliser sur ces deux enfants accueillant leur père.


Le signal est des plus évidents, ensuite, quand Tim semble mettre son rôle titre de côté, l'éléphant étant loin d'être de tous les plans alors que l'effet spécial est des plus réussis. Et là, le spectateur ne peut que penser à son Batman, le Défi, où le caped crusader s'effaçait quasi totalement de la scène pour laisser la place à une apologie ultime du freak.


Et si Dumbo demeure, en surface, un pur Disney familial, le sous-texte du film explose comme une grenade dégoupillée. Point d'éléphant volant dans l'histoire, mais un portrait de l'ami Tim, dont chaque facette est liée à l'un des personnage du cirque qui se meurt. Car il n'est pas anodin de voir un personnage revenir amputé de l'un de ses membres, un autre subir les moqueries puis, un peu plus tard, l'exploitation et la normalisation de ce qui le rend unique, un autre naïf pour entrer sans se méfier au sein du grand cirque de l'entertainment, ou encore tous ces acteurs anonymes d'une certaine forme de magie et d'imaginaire dépassé ou révolu.


Il en est de même pour cette étrange réinterprétation des séquences clé du film original : tandis que l'une procure beaucoup moins d'émotions, ou que l'autre semble traitée comme un passage obligé, la scène d'hallucination, elle, est détournée de son but premier de manière étrange, en forme de symbole de l'illusion des oeuvres d'aujourd'hui et portée par les effets spéciaux, qui collerait presque une impression de malaise, et non d'émerveillement.


Le reste du propos est encore plus transparent : voir un parc d'attractions high tech, dont certains îlots sont pourtant des plus intemporels, en proie au flammes d'un incendie volontaire ne laisse aucun doute quant à ce que pense Burton de tout cela, et de celui qui en est à la barre, un clone de Max Shreck incarné par l'un de ses acteurs fétiches.


Je paraîtrai sans doute excessif, mais Dumbo a tout du geste anar et décalé d'un réalisateur qui veut se rebrancher sur son passé et qui a enfin quelque chose à dire sur le matériau qu'il aborde, ne se contentant plus de simplement l'illustrer ou de tenter de recycler plus ou moins maladroitement ses marottes.


Le tout dans des décors d'une incroyable richesse qui attire l'oeil, ce qui n'était plus arrivé depuis... Pffiou... Au moins chez Tim Burton. Ainsi que sa photographie et ses textures. Et l'on se dit qu'enfin, un film de Tim Burton vit, respire et nous semble important et juste.


Même s'il est imparfait, Dumbo arrive à toucher au coeur, tout en dépassant ses carcans.


Behind_the_Mask, qui a cru voir voler le prince Charles (ça doit être les oreilles...).

Behind_the_Mask
7
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le 30 mars 2019

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Behind_the_Mask

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