Cette adaptation du livre du Frank Herbert est pour moi tout ce qu’on peut rechercher dans une adaptation : le réalisateur, David Lynch, s’attribue une certaine latitude, notamment dans les rôles, le focus sur certains événements, l’introduction de nouveaux éléments, mais conserve le même univers et, surtout, les mêmes enjeux. Les enjeux sont dans ce film précisément respectés : le contrôle de l’Epice, la lutte de pouvoir interplanétaire, les prophéties millénaires ou la notion de prophète sont tous abordés. Ici, le film suit pile poil la trame du roman, avec quelques petits changements bienvenus, notamment le combat au couteau à la fin plutôt que dans les grottes.
L’exposition est bien menée, les personnages et organisations identifiables. Lynch trouve un bon équilibre entre le parcours initiatique de Paul et l’épopée qui suit. Le mystérieux de certaines fonctions (Bene Gesserit, Mentat, Muad’Dib) rend le tout plus empreint de solennité. Le côté féodal de la société impériale est impeccablement rendu, avec ses rapports de force et ses intrigues.
Seul petit bémol, le film est sans doute moins accessible pour les non-lecteurs, pour qui les passages oniriques et les têtes bizarroïdes de certains personnages (notamment le Comte Harkonnen) ne sont pas des références et clins d’œil bienvenus mais plutôt des éléments inutiles et déroutants. C’est d’ailleurs pour cette raison que c’est un film à part dans l’œuvre de Lynch selon moi : l’imaginaire onirique et décalé par rapport à l’intrigue s’explique totalement dans la logique plus large du livre. Comment aurait-on jugé de films comme Mulholland Drive ou Twin Peaks si les scènes dans la salle au rideau rouge participaient pleinement de l’explication du récit ?
C’est là que la symbiose entre la vision de Lynch et la saga de Frank Herbert prend toute son ampleur. En effet, Dune est peu adaptable au cinéma car aux logiques épiques et guerrières s’ajoute une dimension mystique et prophétique qui donne de l’ampleur aux enjeux de l’intrigue. C’est pourquoi Lynch est aussi juste dans son adaptation : il peut aborder l’épopée de l’œuvre tout en traitant du mystique à sa manière, par touches successives et avec des codes esthétiques totalement indépendants du reste de l’œuvre. C’est tout simplement un exploit en 2h16.