“Le désert n'ayant pas donné de concurrent au sable, grande est la paix du désert.”

Citation de Henri Michaux


Dune l’inadaptable. Voilà un surnom qui, jusqu’au 15 septembre,aurait pu être légitime. Lynch, Jodorowsky, tous avaient perdu espoir, tous ? Non, un irréductible petit canadien résistait encore et toujours à l’envahisseur. Son nom ? Denis Villeneuve, un réalisateur ardu et habitué, depuis un petit temps déjà, à braver l’impossible, en témoigne son Blade Runner 2049 qui, contre toutes attentes, n’a rien à envier au cultissime Blade Runner de Ridley Scott. Au delà de l’œuvre en elle même, Dune fascine pour l’épreuve adaptative qu’il demande, et même si ça n’a pas été toujours facile, Villeneuve a peu à peu attiré le soutien du public et du milieu, en témoigne la première place des films les plus attendus de 2021 (et 2eme de 2020) et son casting titanesque allant d’acteurs grand public adaptés à ce genre de films comme Timothée Chalamet, Zendaya ou Oscar Isaac à des acteurs plus conventionnels aux normes d’Hollywood comme Rebecca Fergunson, Dave Bautista ou Jason Momoa.


Caladan est froide et morne, dès qu’on y pose les yeux on a envie de s’y échapper, la vie y est fade. Alors comme le héros, on se met à rêver, rêver d’Arrakis. Peu importe le danger il n’y a pas d’autre mot que rêve quand je repense à l’Arrakis de Villeneuve, tant chaque plan passé sur la planète pourrait être utilisé comme un tableau, tant la lumière semble être un appel vers le paradis. Ce Arrakis est sans doute l’une des plus belles choses qui m’ait été donné de voir. Cadeau particulier, car à trop suivre la lumière je finirais par mourir de soif, tel un Icare enivré voulant défier le soleil. Mais moi je ne veux pas défier la lumière d’Arrakis, il me suffit de voir les Shai-Hulud pour comprendre le véritable sens de la planète. Hantise des envahisseurs, ces vers gargantuesque, paisibles chasseurs, sont si grands qu’on n’arrive qu’à en percevoir des bouts. Répondant à des règles simples, ils viennent punir ceux qui tentent de les défier. Ce qui survivent sont ceux qui savent respecter ces dieux lombrics qui dictent les lois de ce paradis. Ce vers, qu’on tend à appeler monstre, nous sont en réalité supérieurs, car seuls eux peuvent descendre dans les profondeurs d’Arrakis, y rencontrer l’eau et tout ce qu’il s’y cache. Seuls eux ont accès au véritable trésor.


C’est caché au milieu de toute cette paisible immensité que se déroule, insolemment insignifiants, les caprices des hommes, rongés par l’appel de l’épice, se croyant maîtres de la planète, se croyant dieux. Cette arrogance sera punie par Arrakis qui devient le prétoire salvateur de l’humanité. Au milieu de toutes cette violence enflammée, il y a un garçon, le futur d’une maison, le future empereur, l’élu ? Il n’en sait rien, perdu au milieu de toutes ces mers, perdu au milieu de tout ce sable, il essaie de trouver un sens à toute ses responsabilités. Pour cela il fera face à la mort, plusieurs fois, il y perdra tous repères : son père, sa famille, ses amis, il fera même face à un de ces dieux châtieurs qu’il osera regarder en face, d’un air mélangeant peur et émerveillement. C’est sûrement à ce moment là qu’il comprit que sa voie ne serait ni Caladan, ni le trône, ni récits religieux. Sa voie, comme dictée dans ses rêves, serait Arrakis. Une fois devenu un homme en en tuant un autre, épreuve dure mais nécessaire à sa rédemption pour éviter la colère des dieux, il pu enfin devenir Fremen, et, dans une ultime scène il comprit, en voyant au loin, que c’est en devenant un des êtres d’Arrakis qu’il pouvait ainsi, dompter les dieux. Mais le chemins ne s’arrête pas là, comme l’indique le plan finale : la route est longue, nous ne sommes pas encore arrivés à destination.


*Dune fait du bien au cinéma, il est d’ailleurs agréable de voir que Villeneuve se dirige de plus en plus vers une position artistique (il peut faire plus ou moins ce qu’il veut) que seul Nolan peut aujourd’hui prétendre dans le monde du blockbuster. Mais contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas la mort du blockbuster, c’est simplement une autre facette d’Hollywood, que tout le monde voudrait atteindre sans jamais réellement y parvenir, un peu comme un loto. Big H est seul, il n’a pas de concurrence à l’international et n’oubliez pas : "Quand vous êtes riches vous détruisez la concurrence, quand vous êtes très riches vous achetez la concurrence, quand vous êtes tout seul vous créez la concurrence"*


Dune n’est pas monumental, dire cela serait une énorme erreur, un doux euphémisme. Dune est pharaonique, car si rare fois un film s’est voulu aussi grandiose, submergeant le spectateur dans les sables d’Arrakis, mais aussi, et surtout, pour cette poésie, qui réussie, contre toute attente, à faire de ce désert une ode édénique, un pèlerinage de nos âmes sur le sable meurtrier et meurtri d’une planète condamnée par l’avarice des hommes. Ce film est à l’image de tous les efforts fournis par Villeneuve pour mener à bien un projet ou tous ont échoués, car une fois qu’il s’est posé, a pris le temps d’installer un rythme lent qui enragerait tous producteurs d’Hollywood, il a réussi à révélé le vrai trésor qui se cache sous Arrakis : un souffle onirique qui s’envole, au milieu du chaos.

Lordlyonor

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