C'est finalement en cette fin d'été 2021, que sorti le film le plus attendu par les cinéphiles depuis 2 ans maintenant. Après le désastre de la pandémie de covid-19 sur le monde culturel et la fermeture des salles de cinéma, l'immense film de Denis Villeneuve a enfin pu être projeté dans nos salles. Sans surprises, le résultat, époustouflant, en a laissé plus d'un sans voix. Mais qu'est-ce vraiment que ce Dune ?


Ouverture d'un univers gigantesque, Dune : Premier Volet (comme le précise l'introduction), s'accompagne d'une réussite à tous les niveaux. Un terrain artistique où fleurie la richesse de l'un des plus grand livres de tous les temps. Le réalisateur s'approprie l'ouvrage en le plaçant dans la continuité directe de sa filmographie. Il y impose un style radical, aux partis pris admirables et à l'exécution remarquable. Je vais par conséquent me risquer, dans cette critique, à écrire une synthèse de ce film de 2h36, pour en disséquer tous les aspects qui font de Dune un renouveau dans le paysage cinématographique.


Tout d'abord, il est bon de rappeler que l'univers du livre de Frank Herbert possède une telle abondance de détails, que le mettre en scène au cinéma relève presque d'un suicide artistique. De nombreux réalisateurs s'y sont frottés (Jorodowsky, Lynch pour ne citer qu'eux), cependant l'exubérance de Dune leur a toujours posé problème. Villeneuve, lui, s'empare de cette abondance et l'adjoint à son style viscéral et unique. Certes, il place pas mal d'explications dans ses dialogues (chose nécessaire que l'on pourra parfois reprocher à l'oeuvre), mais sa caméra capte elle aussi les informations qu'il nous faut recevoir, et ce de manière originale ! 100% de la réalisation découle d'un choix 100% artistique de la part réalisateur, rapprochant le blockbuster du film d'auteur. Car c'est aussi cela "Dune". A l'image de son alter égo Christopher Nolan, Villeneuve met en scène des films où ils croisent l'argent des grands studios avec sa vision intense et pertinente du cinéma. Ceci étant probablement une des plus grandes forces du film, qui a le mérite de pouvoir être analysé en long, en large et en travers au contraire d'un Marvel ou d'une autre de ces productions hollywoodiennes en vogue, sans la moindre saveur.


Hormis cela, le taux de données exportées sur le devant de la scène, conduit le film à un rythme hallucinant (un peu trop hallucinant ?). La plongée dans l'univers en est de ce fait vertigineuse, d'autant que chaque détails est minutieusement étudié pour s'inscrire dans la légende que Villeneuve tente lui-même d'inscrire dans le septième art. Cela a également l'atout de bâtir une image architecturale de Dune dans notre esprit, au même rang qu'un "Seigneur des anneaux" par exemple. D'autant que les scènes d'actions imprègnent elles aussi la rétine : scène du ver géant, de la tempête de sable ou encore des vaisseaux en flammes. Le montage, réellement intelligent, sublime tous ces passages en les découpant de façon inventive (laissant parfois des plans contemplatifs entre deux scènes d'actions rapides) : la scène de superposition des rêves de Paul à la réalité étant sans doute le meilleur exemple.


Cependant, ce qui sublime avant tout l'univers de Dune, c'est sa photographie, et plus généralement son aspect visuel. Au gré de décors mi-obscurs, la caméra sculpte chaque plans, en particulier les visages, édifiant ceux-ci à un niveau esthétique déconcertant. La lumière dirige tout le casting d'une main de fer. On notera d'ailleurs certains plans d'une beauté toute à fait incroyable : plans zénithaux sur le décor de Dune, plan des sœurs descendant de leur vaisseau, plan des légions impériales rangées sous la pluie, plan du ver surplombant Paul et sa mère, plan de Chani tournant le dos au soleil, plan du banquet funeste après la défaite de Léto étendue sur sa chaise etc. etc.


A cette magnificence de l'esthétique, Villeneuve apporte beaucoup d'émotions, faisant de son oeuvre une véritable tragédie . Les thématiques des temps passés et futurs (destruction et espoir) font du film un objet pivot qui n'est pourtant censé "n'être qu'un début". On voit nettement dans la vision du cinéaste la tonalité qu'il souhaite instaurer à son univers. Aucun humour (ou presque) n'a sa place dans le film (c'est du moins ce que j'ai ressenti), créant de ce fait une rupture avec la lignée actuelle de blockbusters. En outre, les problématiques géopolitiques sont exposés de façon largement suffisante pour amener les principaux enjeux du récit et le côté sérieux sur le devant (je n'ai pas pu m'empêcher de faire quelque rapprochement avec Game of Thrones). Les thèmes de l'écologie et de la spiritualité sont par ailleurs fondamentaux dans Dune et annoncent déjà les prémices des guerres futures (dont l'intrigue politique tournera probablement autour de conflits pour l'environnement, le mode de vie et les religions). L'aspect initiatique du chemin de Paul, dans tout cela, n'en est que plus profond. Les questionnements philosophiques qui naquissent un à un dans son esprit, promettent de continuer à se bousculer. Somme toute, ce genre de réflexions est primordiale, et prouve encore que Dune n'a pas l'ambition d'être une simple superproduction, mais bien une véritable oeuvre de science-fiction, genre à qui Villeneuve rend concrètement ses lettres de noblesse.


Enfin, le casting, que l'on annonce depuis si longtemps, fait ici preuve de beaucoup d'investissement. Timothée Chalamet, en tête de liste, rempli à merveille son rôle de jeune messie en développement. Rebecca Ferguson, est peut-être ici la plus remarquable en mère atypique aux fonctions aussi nébuleuses qu'intrigantes. Oscar Isaac, quant à lui, transpire le charisme et la noblesse (et on en attendait pas moins). Jason Momoa est, sans étonnement, le plus comique de tout la bande, et probablement le petit point faible dans les scènes de dialogues mais absolument irremplaçable dans les scène d'actions pour sa force brute. Stellan Skarsgard en baron hideux impressionne et dégoûte par le même temps, même si peu de scène nous le montre vraiment à l'écran. Enfin Zendaya, de laquelle on attendait un peu plus de présence, ne se montre finalement que très peu. Néanmoins, on ne peut lui soutirer la grâce extra-sensorielle et la puissance mystique de ces apparitions. Finalement, dans l'ensemble, tous les acteurs sont plutôt satisfaisants. On espère simplement qu'ils resteront à la même hauteur dans la seconde, voire la troisième partie de Dune...


Pour conclure, ce premier volet de Space Opera transperce le paysage cinématographique actuel de façon démesurée. Tout y est assurément grandiose, à la limite de la perfection sur certains points. Le défi technique a été relevé par Villeneuve, autant que le scénario. Dans le contexte de cette adaptation maudite, le réalisateur s'en tire foutrement bien, à coups d'effets spéciaux qui dénotent très fortement avec ceux proposés par Lynch en 84. Ici, tout est beau, tout est maitrisé. L'investissement général aura permis à la légende de se réaliser, et ce entre des mains que l'on espère revoir prochainement.


Un bouleversement culturel.



"Dreams are messages from depths..."


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le 15 sept. 2021

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ArtWind

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